Adam Silvera est revenu l'automne dernier avec un titre qui ne m'évoque rien de bon concernant mon budget Kleenex. J'aurai mis le temps à m'y mettre, je le reconnais, mais il est sorti en France le mois dernier, donc j'ai rassemblé tout mon courage, plusieurs boîtes de mouchoirs, et je me suis préparée à l'inévitable fin triste annoncée par le titre. Très honnêtement, je ne sais pas trop quoi penser des romans de Silvera. Je sais qu'il est très populaire aux US, mais déjà avec History is all you left me, j'avais l'impression qu'il manquait quelque chose pour que son livre soit un coup de cœur. J'ai trouvé et ils meurent tous les deux à la fin meilleur, mais il me manque encore un petit quelque chose pour que je le porte aux nues comme les autres. Nos personnages principaux, Mateo et Rufus, ont tous les deux reçu l'appel de Death Cast, qui les prévient qu'ils vont mourir dans la journée. Le principe même pose la question de savoir si tout est écrit, si leur mort aurait pu être évitée s'ils avaient agi différemment ou s'ils n'avaient pas été prévenus vu que fatalement, leur journée n'aurait pas été la même. Si vous voulez une réflexion profonde là-dessus, lisez Minority Report. Vous ne trouverez pas ce que vous cherchez ici. Ce que vous trouverez, en revanche, c'est une belle exploration du deuil et des différentes réactions qu'on peut avoir face à la perspective de notre propre mort, et c'est vraiment bien fait. Je pense que mon souci vient des personnages principaux. Je ne vois pas d'alchimie particulière entre Mateo et Rufus, j'en suis navrée. Je les trouve sympas mais je ne m'y attache pas outre mesure. À mon humble avis, c'est là que ça coince pour me faire réellement pleurer. C'est dommage, mais ce n'est pas la faute de l'auteur si ses personnages ne me touchent pas particulièrement, j'imagine. Au niveau des personnages secondaires, par contre, j'ai été hyper touchée par Lidia. Je pense que ses scènes sont quasiment les seules qui m'ont vraiment, sincèrement fait pleurer. Parce qu'on pleure pour Rufus et Mateo, bien sûr, on sait qu'ils vont mourir et même si on le sait, on pleure quand ça arrive, mais pour Lidia, c'est sa douleur qui est touchante. On pleure parce qu'elle a de la peine et qu'on la ressent, pas parce que la mort, c'est triste. C'est vraiment elle, mon coup de cœur. De temps en temps, on a un court chapitre du point de vue d'un autre personnage, qui commence toujours par la même phrase: "Death Cast n'a pas appelé Machin cette nuit parce qu'il ne mourra pas aujourd'hui". J'ai trouvé ça très sympa, parce qu'en plus, ils s'intègrent dans l'histoire du fait qu'ils croisent Mateo et Rufus au moins une fois dans la journée, un peu à la manière de Love, Actually. Tous ont leur intérêt, que ce soit pour balancer une réflexion sur le sens de la vie (on prend ou non, hein), ou, dans les cas qui m'intéressaient le plus, de montrer des réactions différentes à l'appel de Death Cast. Delilah, c'était le déni. Howard, c'était les regrets. Vin, c'était la colère. Et puis il y a les employés de Death Cast, Andrea et Victor. Comme les Deckers, ils ont chacun leur perception de leur job et du fardeau que ça représente de devoir annoncer à quelqu'un qu'il va mourir. C'était varié, intéressant, et ça pose la question: comment est-ce que nous, on réagirait face à une telle annonce? Qu'est-ce qu'on ferait de particulier si on savait qu'aujourd'hui était le dernier jour de notre vie? Spoilers! J'apprécie beaucoup que l'auteur ait pensé à fond son idée de Death Cast et ait remodelé la société en fonction de ça. Des tas de choses très malignes font l'apparition dans ce monde, du Tinder spécial Decker, carrément sordide, aux entreprises qui montent des expériences virtuelles pour que les mourants puissent espérer réaliser quelque chose qui ne peut normalement pas s'organiser en moins de 24 heures. C'est doux-amer parce que l'illusion n'est pas parfaite et l'idée qu'on va mourir dans la journée ne s'éloigne jamais vraiment, mais c'est dans la nature humaine de nier sa mortalité, après tout. J'ai apprécié que la mort de Mateo ne soit pas dûe à Rufus et vice-versa. On se serait retrouvé avec un paradoxe du style "mais s'ils n'avaient pas été prévenus, ils ne se seraient pas rencontrés et ils ne seraient pas mort, donc ils n'auraient pas pu être prévenus". Vu le peu d'informations qu'on a sur Death Cast, j'aurais vraiment été frustrée. Au lieu de ça, Mateo ne serait pas sorti de chez lui sans Rufus, donc c'est logique qu'il meure chez lui, d'autant qu'il aurait probablement essayé de cuisiner ou de faire du thé s'il avait été seul aussi. Et Rufus aurait pu vouloir aller au parc de toute façon et traverser la rue sans regarder. Qu'ils se soient rencontrés ou non, ils auraient pu mourir de la même façon, ça n'aurait pas changé leur destin, donc ça ne nous laisse pas sur un "et si?" J'avoue que je m'attendais à ce que le destin de Rufus et de Mateo mène à quelque chose de bien. Je pensais que Lidia serait adoptée par les Plutos, que Malcolm, Tagoe et Aimée deviendraient amis avec elle et qu'on aurait peut-être un épilogue avec un Pluto, ou même tous, qui ferait du baby-sitting pour Penny, par exemple. Disons que même si je comprends l'idée du roman qui se termine sur la mort de Rufus parce que, ben ils meurent tous les deux à la fin, j'aurais aimé avoir un aperçu de l'après pour les personnages qui ont été le plus touchés par leur vie. Je trouve aussi dommage qu'on n'ait pas terminé l'histoire de Delilah. J'aurais aimé savoir comment sa journée s'était terminée. Mais j'imagine qu'elle est morte après Rufus, et comme le roman devait se terminer sur la mort du deuxième protagoniste, c'est logique qu'on ne l'ait pas. J'ai trouvé ça intéressant. Pas le roman de l'année, mais j'ai apprécié ma lecture. Ma note 7/10 me parait une note juste. Je n'ai pas vraiment eu d'attachement particulier aux deux personnages principaux et rien n'explique l'existence de Death Cast, mais j'ai beaucoup aimé tout ce qui touchait à l'exploration du deuil. C'était varié, c'était nuancé et surtout, c'était ce qui était important, je pense. Collaboration avec Becky Albertalli Une fois n'est pas coutume, j'annonce un livre à paraitre. Adam Silvera et Becky Albertalli ont écrit un roman à quatre mains prévu pour Octobre 2018, What if it's us?, qui sera a priori une romcom, comme ils en ont tous les deux l'habitude. Ce qui est intéressant dans cette collaboration, c'est que Becky, auteur de Simon vs the Homo Sapiens Agenda et Leah on the Offbeat, est plutôt du genre happy ending, alors que Silvera, ... beaucoup moins. Du coup, personne ne sait quoi attendre de What if it's us?, mais ça promet d'être intéressant. Si vous lisez l'anglais, une version paperback à moins de 10€ peut déjà être précommandée sur Book Depository ou Wordery. Le mois prochain J'ai choisi Tattoo Atlas (ou Anatomy of a murderer, pour la version paperback), de Tim Floreen.
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