Après sa nouvelle dans Feral Youth, j'avais envie de lire d'autres textes de Suzanne Young. Donc quand son nouveau roman s'est présenté dans mes recommandations, j'ai saisi l'occasion (sans voir qu'il s'agissait d'un premier tome de série...) et commandé Girls With Sharp Sticks, décrit comme un mélange de Westworld et de Handmaid's Tale. Carton plein, et je suis bien contente qu'il y ait une suite, parce que Girls With Sharp Sticks déchire. J'ai retrouvé avec plaisir cette rage féministe qui m'avait tant plu dans A Violation of Rule 16, la nouvelle de Suzanne Young dans Feral Youth. Si vous avez aimé cette nouvelle, Girls With Sharp Sticks vous plaira aussi parce qu'il est de la même trempe. GWSS attise la rage et donne envie d'aller chercher son propre bâton pour aider les personnages à tout bousiller, c'est génial. C'est précisément le genre d'effet qu'on attend d'un roman qui met en scène une révolution quelle qu'elle soit, ça prend aux tripes et c'est jouissif. La scène p.317 avec Annalise en particulier m'a donné envie de hurler de rage et de sauter à la gorge du professeur pour la lui arracher. L'autre sentiment qui domine, c'est la peur. S'il y a bien un trope qui ne m'a jamais déçue niveau tension et trouille, c'est l'ambiance oppressante en internat. Je ne sais pas, c'est peut-être lié au fait que Suspiria m'a traumatisée quand j'étais jeune, mais il y a un petit quelque chose qui me terrifie dans un pensionnat hostile. Le fait que les personnages soient coupés de l'extérieur, qu'ils n'aient aucun moyen de s'échapper, que la menace soit omniprésente et qu'aucun endroit ne soit sécurisé, ... L'Innovations Academy est un cadre parfait pour ça parce qu'en plus, on n'oublie jamais qu'on parle d'un petit groupe d'adolescentes contre tout un système qui marche contre elles. Le moindre faux pas peut leur coûter très cher, et les personnes à qui elles ont appris à faire confiance peuvent les trahir. Elles n'ont aucun allié certain, aucune marge d'erreur, aucune échappatoire. Une fois les filles "éveillées", la tension ne se relâche jamais parce que la moindre de leur action, parole ou même expression de visage peut mettre la puce à l'oreille de leurs gardiens et tout faire capoter. Les enjeux sont énormes et on a sincèrement peur pour elles. Un autre point que je trouve très positif est la faible place accordée à la romance. J'avais un peu peur au début, quand Jackson est apparu, parce c'est arrivé dès le départ et je ne voulais pas qu'il prenne trop de place dans le récit, mais son rôle et sa relation avec Mena (à peine romantique) font plutôt partie de l'arrière-plan, ce que j'ai beaucoup apprécié. L'intrigue est vraiment centrée sur l'académie et les filles, sur leur amitié et le soutien qu'elles s'apportent les unes aux autres, c'est tout ce que j'espérais. Des jeunes femmes qui se soutiennent, s'entraident et font un doigt à ceux qui voudraient les asservir. Et s'il y a des hommes sympas prêts à aider, on les remercie, mais ça ne fait pas d'eux les héros de l'histoire. Go Feminism. Spoilers!Je ne l'ai pas dit avant, à cause du potentiel de spoilers que ça représente, mais GWSS est vendu comme un mélange de Handmaid's Tale et de Westworld. Je n'ai vu aucune de ces deux séries (je ne pense pas pouvoir encaisser Handmaid's Tale et Westworld, c'est plus une question d'occasion) mais je les connais de nom et de réputation, donc je savais tout de même à quoi m'attendre. J'ai été horrifiée quand le texte a mentionné un minuscule bleu au coin intérieur de l’œil juste après une séance de "thérapie". J'ai vu suffisamment de films où un personnage se fait lobotomiser que j'ai compris direct d'où venait ce bleu et j'en suis restée comme deux ronds de flan, parce que je savais que si GWSS était comparé à Handmaid's Tale, ce ne serait pas piqué des vers, mais des lobotomies? Damn! Bon, il s'avère que c'est un peu plus compliqué que ça, mais ça m'a quand même fait bondir de mon canapé. Malheureusement, l'autre comparaison, avec Westworld, vend un peu la mèche pour le gros plot twist de la fin. Même sans avoir vu la série, difficile d'échapper à la révélation de la fin de la saison 1 quand on a internet et quelques éléments subtils de foreshadowing ont fini par faire tilt, chez moi. J'ai fini par me dire "le site de l'Académie était une usine, avant, mais... Et si c'en était toujours une? Et que la production avait évolué au point de proposer des Femmes de Stepford?" et ça n'a pas raté. L'idée était vraiment prometteuse mais le côté révélation inattendue est gâché par la comparaison. Je trouve ça dommage parce que c'était vraiment LE plot twist vers lequel tous les autres nous menaient, et qu'il était sacrément gonflé. Le personnage de Leandra est resté mystérieux jusqu'au bout, par contre. Je n'ai jamais su à quoi m'en tenir avec elle. Son comportement était étrange, mais je n'ai jamais su dire si elle était une alliée ou une ennemie, et vu les risques de la situation, je n'osais pas lui faire confiance. Quelque part, je trouve que ça illustre bien le roman en général, ce besoin d'alliés et cette envie de demander de l'aide, mais aussi cette paranoïa de soupçonner absolument tout le monde parce que le risque est si grand en cas d'erreur. J'apprécie beaucoup qu'elle ait préféré rester à l'académie pour aider les autres filles plutôt que s'enfuir en les abandonnant. J'aimerais aussi revenir sur la domination que les hommes du roman veulent avoir sur les femmes. Apparemment, les premiers modèles étaient dociles, mais passifs, et ça ne plaisait pas aux clients, qui voulaient des femmes plus spirituelles, avec une personnalité. En fait, ils veulent une vraie personne, mais en se passant de consentement. Ils veulent une femme qu'ils auraient le droit de violer, tout simplement. Et ils la veulent parfaite physiquement (le moindre gramme en "trop" leur est reproché, pareil pour les cicatrices), et vierge (Rebecca est une illustration parfaite, d'autant plus qu'elle est blâmée pour son viol). Si elles ne respectent pas tout ça, elles n'ont aucune valeur aux yeux de leur futur acquéreur. C'est d'autant plus ignoble que ça reflète notre propre réalité. Bref, je suis conquise. Je l'ai dévoré et je voudrais la suite pour hier, merci beaucoup. Ma noteJe donne rarement des 10/10, mais ça fait plaisir de pouvoir le faire de temps en temps. L'atmosphère est oppressante juste comme il faut, l'évolution des personnages est maitrisée, les plot twists sont audacieux et convaincants et je crève d'impatience d'avoir le prochain tome entre les mains. Le mois prochainJ'ai choisi The Boy at the Back of the Class, d'Onjali Q. Rauf.
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