Avant de commencer, quelques avertissements: il s'agit du script de la pièce de théâtre. CE N'EST PAS UN ROMAN. CE N'EST PAS J. K. ROWLING QUI A ÉCRIT CE LIVRE. Il me semble important de garder ça en tête, parce qu'il s'agit effectivement d'une suite à la saga Harry Potter, mais ce n'est pas d'un huitième tome. En gros, c'est une fanfiction validée par Rowling, donc considérée comme canon. Donc Harry Potter. Les deux mots qui me font dresser l'oreille comme un chien de Pavlov. J'avais hâte, mais en même temps, j'avais peur. Parce que, et c'est valable dans des tas de domaines différents, j'estime qu'il y a des monuments auxquels il est très casse-gueule de toucher. Harry Potter en fait partie, donc c'est mi-excitée mi-terrifiée que j'ai finalement ouvert Harry Potter et l'Enfant maudit. J'ai pas mal hésité entre me réjouir d'avoir une suite en livre ou râler parce qu'elle n'était pas écrite par J.K. Rowling. En fait, je reste entre les deux. D'un côté, même si je n'ai pas aimé l'intrigue principale, j'ai retrouvé l'univers que j'aime tellement. De l'autre, le format pièce de théâtre, qui ne me pose pas de problème en soi, présente beaucoup plus de contraintes que le format roman et je me suis surprise à penser que c'était dommage de ne pas exploiter le potentiel d'Albus et Scorpius avec un roman, voire une saga dérivée. Donc je suis contente, mais en même temps j'ai un arrière-goût de trop peu. J'aime beaucoup les deux personnages principaux, Albus et Scorpius. J'adore leur amitié et je trouve la relation Albus/Harry très crédible. Seul bémol, je n'aime pas trop le fait qu'on ait essayé de me créer un nouveau trio Harry/Ron/Hermione. Albus et Scorpius ont largement assez d'épaisseur pour qu'on développe leur personnalité sans la calquer sur le trio d'origine. J'ai aussi beaucoup moins de sympathie pour les autres personnages comme Rose, que je trouve détestable et peu compatible avec la manière dont j'ai toujours imaginé Ron et Hermione élever leurs enfants, ou Delphi, que je trouve juste sans intérêt. Harry, Ron et Hermione prennent trop de place à mon goût, j'aurais préféré qu'on se focalise vraiment sur Albus et Scorpius, qui me semblent tout à fait capables de tenir une intrigue digne de la saga. Ces deux-là sont vraiment ce que j'ai préféré de tout le livre, un grand bravo pour ça. Cette sensation que Harry parasite l'aventure de son fils, en quelque sorte, se retrouve dans le titre, qui parle de Harry au lieu d'Albus. Donc c'était peut-être une manière supplémentaire d'insister sur le fait qu'Albus vit constamment dans l'ombre de son père. Je n'en suis pas enchantée, d'ailleurs je n'aime carrément pas le principe parce qu'Albus et Scorpius méritaient leur heure de gloire, mais je peux comprendre si c'était l'impression voulue, d'autant que l'intrigue part dans cette direction aussi. À mon grand déplaisir, mais ça, j'y reviendrai dans les spoilers. Malheureusement, il n'a pas fallu attendre longtemps pour des erreurs de continuité, avec McGonagall qui est toujours directrice de Poudlard pendant la troisième année d'Albus alors que Rowling avait confirmé qu'elle avait déjà pris sa retraite dans l'épilogue du septième tome, donc à la rentrée en première année d'Albus. Plus tard, Harry comprend et parle toujours Fourchelangue, capacité censée venir de la partie de lui qui était le horcruxe de Voldemort. Horcruxe qui a été détruit, privant donc Harry de cette capacité depuis la Bataille de Poudlard, que Voldemort lui-même soit vivant ou non. Etc... Ce ne sont que des "détails", je le reconnais, mais il s'agit d'un livre qui a été validé par Rowling. Donc est-ce qu'elle a juste donné l'accord pour le synopsis sans vérifier avant la publication ou est-ce qu'elle n'a pas remarqué ces incohérences, je ne sais pas, mais dans les deux cas, ça me dérange. Quand on s'attaque à un tel monument, on sait qu'on sera attendu au tournant, et bidouiller le canon pour servir l'intrigue est une pratique qui me hérisse particulièrement. Le canon, c'est sacré, surtout dans le cas de la saga Harry Potter où il a été si finement ciselé. Passons aux choses sérieuses avec les spoilers. Au niveau de l'intrigue générale, j'ai détesté. Pour deux raisons: la première étant que le voyage dans le temps a permis de déconstruire le canon, ce qui implique l'obligation de le rafistoler de manière convaincante par la suite, chose quasi impossible. L'autre étant qu'on en avait fini définitivement avec Voldemort et que je ne voyais absolument aucun intérêt à le faire revenir, autre que montrer Albus encore et toujours dans l'ombre de son père, s'entend. J'aurais largement préféré une intrigue inédite, même si elle aurait été moins impressionnante, que faire revenir le méchant dont on a mis sept livres à se débarrasser. Voldemort, c'était bouclé, fallait le laisser tranquille et amener autre chose. Avec un univers aussi vaste que Harry Potter, les possibilités étaient infinies. Mais non, l'auteur a préféré enfoncer le clou sur l'héritage Potter et ramener Voldemort dans l'équation vingt ans après, et avec un Retourneur de Temps, rien que ça. De quoi foutre en l'air la saga complète. Pour moi, c'est un très mauvais choix sans parler du fait que ça me semble paresseux. Je comprends les raisons qui ont amené à ça, mais je déteste. Albus et Scorpius méritaient une intrigue nouvelle qui leur était consacrée, au lieu de quoi on leur a balancé les restes de leurs parents. Quel gâchis. Certains points sont décevants ou manquent de cohérence. Premier point: Albus, Scorpius et Delphi prennent du Polyjuice pour s'introduire au Ministère. Avec Harry, Ron et Hermione qui sont à la tête du Ministère et ont fait EXACTEMENT la même chose une vingtaine d'années auparavant. Et je suis censée croire que cette faille de sécurité majeure n'a pas été colmatée depuis et que trois ados de treize ans ont pu cambrioler le Ministère géré par la sorcière la plus brillante du coin sans réel souci. Franchement, on aurait remplacé Hermione par ma mère, ils se seraient fait choper en cinq minutes chrono en main avec leçon de morale comme quoi on n'apprend pas au vieux singe à faire la grimace à la clé. Je ne peux pas non plus croire que Hermione ait été assez stupide pour ne pas détruire le Retourneur de Temps au moment même où elle l'a récupéré. Mais comme c'était nécessaire à la progression de l'intrigue, l'auteur a laissé faire, sans réelle justification. C'est juste ridicule d'imaginer Hermione se faire berner par la ruse qu'elle a elle-même utilisée vingt ans plus tôt. En plus, imaginez que des Mangemorts aient eu la même idée, dans quelle mouise on se serait retrouvés. Que Harry ait des problèmes avec son fils, je le conçois et j'aime beaucoup l'idée. Qu'il lui reproche d'être à Serpentard (on en reparle, de l'épilogue du septième tome, ou c'est bon?) et qu'il lui interdise de fréquenter Scorpius au point de le menacer d'utiliser la Carte des Maraudeurs, juste parce que c'est le fils Malfoy, j'ai trouvé ça ridicule. J'ai eu envie de le gifler. Après avoir lui-même souffert de rumeurs comme quoi il était l'héritier de Salazar Serpentard et refusé à Draco de faire un communiqué comme quoi Scorpius était bien son fils sous prétexte que c'était forcément ridicule, je ne m'attendais pas à ce qu'il s'abaisse à ce niveau. Delphi. Que j'ai vue venir à des kilomètres. Déjà j'étais sceptique parce que j'étais perplexe au sujet de son âge. Elle disait être la nièce d'Amos Diggory, donc de la génération de Cédric, Harry et compagnie mais semblait très jeune et une rapide recherche au sujet de l'actrice m'a montré qu'elle était effectivement plus proche des années Poudlard que de la quarantaine. Bien sûr, ça restait possible, j'ai moi-même des cousins qui ont 15 ou 20 ans de plus que moi, mais il n'avait jamais été précisé qu'Amos ou sa femme avait des frères et sœurs. Il s'est avéré qu'il était bel et bien fils unique, sa femme aussi, et donc qu'il était impossible qu'il ait une nièce. Delphi aurait juste été son infirmière, je ne l'aurais peut-être pas soupçonnée aussi rapidement de dissimuler sa véritable identité. La véritable identité de Delphi, justement. HAHAHAHAHAHAHAHA. HA. HA. Non. Non, non et re non. C'est juste ridicule. Pitié, stop. Pour la même raison que je n'imagine absolument pas Voldemort s'intéresser même brièvement à n'importe quelle femme: il ne pensait qu'à lui-même et à sa propre gloire. Pourquoi Voldemort aurait voulu un enfant? Qu'on ne me parle pas d'amour, c'est canon que Voldemort était incapable d'aimer. Et si Bellatrix avait accouché au Manoir Malfoy peu avant la Bataille de Poudlard, je rappelle que sauf cas très rare, ça se VOIT quand une femme est enceinte. Et elle vivait au même endroit que Draco, à l'époque. Vous pensez vraiment qu'il aurait loupé un truc aussi gros (sans mauvais jeu de mots)? Ou qu'il l'aurait caché alors que ça aurait pu éviter à son fils de se faire harceler à l'école? Moi pas. Je ne vois vraiment pas dans quel univers un truc pareil pourrait passer. L'explication "sauver Cedric provoquera la victoire de Voldemort parce qu'en perdant le Tournoi des Trois Sorciers, il a été humilié, est devenu Mangemort et a tué Neville" était beaucoup trop rapide et invraisemblable pour être crédible. Je reconnais que Diggory n'a pas eu énormément de place dans la saga et j'en suis la première navrée MAIS "il a perdu, il l'a mal pris, donc il a décidé de suivre un chef tyrannique et sanguinaire". Comme dirait Ron Burgundy: That escalated quickly. Je n'y crois pas UNE SECONDE. En plus, comme par hasard, il a tué Neville et uniquement Neville. Et personne n'a pu tuer Nagini à sa place dans cette réalité parallèle. Sans déconner. Et la manière dont Albus et Scorpius s'y sont pris? Pitié. Le Tournoi des Trois Sorciers, personne ne me fera croire qu'il n'y avait pas un minimum de protection magique autour des candidats pour éviter une quelconque tricherie de la part des spectateurs. Ils n'auraient jamais dû pouvoir ne serait-ce que s'approcher de Cedric, alors lui lancer un maléfice... Je comprends que la pièce ne pouvait pas durer deux jours et qu'on ne pouvait pas passer trop longtemps à décortiquer les conséquences de chaque action, mais je déteste quand le respect des contraintes externes se fait au détriment de l'intrigue. Ceci dit, je concède que je suis mauvais public quand l'idée de base est "retournons trente ans en arrière sauver un mec random en espérant que ça ne change rien à notre présent parce que de toute façon, une ordure a dit un jour que c'était pas un mec remarquable". Les œuvres de fiction qui partent de là sont légion, et à CHAQUE FOIS c'est la même rengaine: des personnages n'existent plus ou sont morts avant leur heure, tout est chamboulé et c'est la croix et la bannière pour revenir à un présent qui ressemble à peu près à celui qu'on connait. J'aimerais que tous les personnages fictifs du monde intègrent que si marcher sur un papillon au Jurassique peut changer le monde, sauver un personnage en apparence sans importance peut avoir un impact au moins aussi grand. Avec cette idée en tête, je ne pouvais que trouver l'intrigue stupide. "Changeons le passé" n'est clairement pas une base d'intrigue que j'apprécie de manière générale, vous ajoutez un canon cher à mon cœur malmené et un effet boule de neige invraisemblable, c'était évident que je n'allais pas aimer. Pas mal de retours de personnages emblématiques, comme Rogue, Ombrage, Dumbledore, ... retours qui fleurent bon le fan service et la nostalgie. On crée des réalités parallèles mais ce sont des personnages qu'on connait qui sont là. Encore une fois, au lieu de rester sur les nouveaux personnages, on continue à jouer sur la tendresse des fans pour la saga d'origine. Comme si on espérait acheter notre approbation en nous agitant nos personnages adorés sous le nez (=name dropping). Le procédé me rebute et manque de crédibilité, mais je reconnais que ça fait plaisir de revoir des têtes connues quand c'est bien fait. Ombrage, en particulier, est toujours aussi détestable et la place qu'elle a dans cette réalité alternative me parait justifiée. Je ne peux pas vraiment en dire autant de tous les autres, mais on a toujours un pincement au cœur quand on les retrouve. En résumé, j'aurais largement préféré que l'auteur ait, pardonnez-moi l'expression, les couilles de nous proposer quelque chose de neuf au lieu de rester sur les acquis de J.K. Rowling. Vu ce qu'il a réussi à faire avec Albus et Scorpius, je pense qu'il avait le talent de faire beaucoup mieux au niveau de l'intrigue. Donc pour moi, c'est un demi-échec. La pièce de théâtreElle a reçu des tas d'excellentes critiques. Je serais curieuse de la voir tout de même, parce que le théâtre est fait pour être vu. Ma note Je vais donner 5/10. J'ai eu plaisir à retrouver l'univers de Harry Potter, il y a de très bonnes scènes et j'ai trouvé les deux personnages principaux très attachants. Mais je déteste l'intrigue, j'aurais préféré qu'on se tourne vers l'avenir plutôt que vers le passé et trop d'éléments ne tiennent pas la route. Le mois prochain En parlant de Harry Potter, on m'a décrit Les Magiciens de Lev Grossman comme étant un genre de Harry Potter version adultes. En plus j'ai aimé la série, donc va pour Les Magiciens.
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