Je suis généralement partante pour des nouvelles versions de contes de fées. Ce sont des histoires qui sont sans cesse réinventées et je ne pense pas qu'on arrivera un jour à ne plus trouver de manière de les réécrire. En plus j'ai fini la saga des Chroniques Lunaires cet été et j'ai adoré, donc des contes ET une intro par Marissa Meyer, j'étais carrément dans l'ambiance. Merci à Tachyon Publications et NetGalley de m'avoir envoyé un exemplaire numérique en échange d'une critique honnête. Ça n'a évidemment aucun incidence sur mon opinion. En revanche, je précise qu'il s'agissait d'épreuves non corrigées, donc j'ai décidé de ne pas tenir compte des fautes d'anglais qui ont dû disparaitre à la relecture, avant la publication. Ben je ne suis pas impressionnée. Comme beaucoup d'autres recueils, How to Fracture a Fairy Tale propose des nouvelles de qualité très inégale, et peu ont trouvé grâce à mes yeux. On va commencer avec les quelques Trigger Warnings: ce sont des histoires basées sur des contes plus ou moins traditionnels, si vous avez l'habitude, vous savez que ce n'est pas toujours tout rose. La Peau d'Âne de cette version n'a pas l'occasion de fuir son père incestueux, "Rumplestiltkin" est brutalement assassiné parce qu'il est juif, une adolescente se fait violer par un selkie, les camps de concentration de la WWII apparaissent dans quelques contes, ... Je n'ai fait pas de liste, j'aurais dû, mais sachez que c'est violent et que les méchants de l'histoire n'ont pas toujours ce qu'ils méritent à la fin. Ce qui est intéressant avec les contes, c'est que les mêmes trames existent depuis littéralement des milliers d'années, et sont sans cesse réécrites pour correspondre à l'époque. Les intrigues restent mais les détails changent et s'adaptent à la société pour laquelle ils sont réécrits. On fait du neuf avec du vieux, et c'est la nature même des contes qui les rend aussi flexibles. Ils se prêtent à tous les genres, tous les styles et toutes les interprétations, donc l'idée de les "fracturer" avait de quoi faire saliver parce que c'est souvent très intéressant de comparer les versions entre elles. J'ai même fait un devoir de fac à ce sujet, avec la Belle au Bois dormant. Et il y avait de l'idée, oui. Mais j'ai trouvé que l'exécution n'était pas à la hauteur et que ces nouvelles versions manquaient trop de punch pour que je les trouve remarquables. Les contes sont très courts, trop courts. C'est sûr, les contes de fées traditionnels ne sont jamais bien longs, mais ils sont quand même prenants. Là, je n'ai pas été emportée par la plume de l'auteure. Je suis difficile en textes courts, parce que c'est pas facile de faire rentrer une histoire entière en peu de pages. Il y a forcément des éléments qui vont souffrir et c'est souvent le cas ici. Environ la moitié, je dirais, des contes du recueil s'en tirent honorablement, mais quand j'ai lu les premiers, j'ai senti venir l'abandon en cours de route parce que je n'étais carrément pas dedans. C'est d'ailleurs en grande partie pour ça que je suis en retard pour publier cet article, je n'arrivais pas à me décider à avancer dans ma lecture. Je me suis accrochée et j'ai fini le livre, mais c'était pas gagné. Je n'ai pas trouvé de sens à la sélection, et en lisant la fin, j'ai compris pourquoi. How to Fracture a Fairy Tale est une compilation de contes écrits à des périodes différentes, pour des occasions différentes, et même déjà publiés par le passé (sur 28 contes et 29 poèmes dans ce recueil, seuls 20 poèmes sont inédits et les contes ont été publiés entre 1976 (!) et 2011). Il n'y a pas de fil conducteur à ce niveau-là. Je trouve ça dommage, parce qu'on se retrouve avec histoires très originales et intéressantes qui côtoient pas moins de trois contes plus ou moins inspirés de Cendrillon, quatre si on compte celui qui est dit être inspiré de Cendrillon mais semble plutôt être dérivé de Peau d'Âne. De plus, j'ai trouvé que peu de contes étaient suffisamment réinventés à mon goût pour justifier la réécriture. Un angle que j'ai trouvé intéressant, par contre, c'est la perspective juive. Granny Rumple en particulier a le mérite de proposer une vision complètement différente de Rumplestiltskin tout en restant très proche de la trame originale. J'ai apprécié d'avoir quelques mots d'explication pour chaque conte, par contre je déplore le fait que ce soit tout concentré à la fin. J'aurais amplement préféré que chaque explication soit à la suite du conte dont elle parle. Ceci mis à part, connaitre la genèse d'une histoire est toujours sympa et je suis contente que l'auteure l'ait fait. Les poèmes, en revanche, ne m'ont pas particulièrement plu. Je suis malheureusement peu sensible à la poésie de base et ceux-là n'ont pas fait exception. Spoilers! Il y a quand même quelques contes qui m'ont plu. Godmother Death est un de mes préférés et s'ils avaient tous été de ce calibre, j'aurais beaucoup plus aimé ce livre. L'atmosphère lugubre, gothique et la figure de la Mort me déçoivent rarement, et j'ai beaucoup aimé la fin douce-amère. Je trouve que c'est un des rares à mériter le titre de conte dans ce recueil. Granny Rumple met en plein dans le mille, en présentant "Rumplestiltskin" comme un homme juif dont la gentillesse a été abusée et assassiné à cause des mensonges et de la fierté des chrétiens. J'aimerais beaucoup lire l'article que l'auteure a écrit sur l'origine juive du Rumple original, parce que cette version parait tellement naturelle que je ne serais pas surprise si elle avait vu juste et que le Rumple d'origine était bel et bien sensé représenter un homme juif. Sun/Flight était une idée originale. Je n'aurais pas forcément pensé à réécrire la mythologie sous forme de contes mais j'ai trouvé que cette "suite" à l'histoire d'Icare était très chouette et j'aurais aimé en lire plus comme ça. Sleeping Ugly a une chute que j'ai trouvée marrante, parce que la justice karmique, c'est carrément mon truc. Cinder Elephant a le même ton parodique. Sans être hyper fan, j'aime l'idée qu'il y avait derrière. Mama Gone m'a brisé le cœur tellement c'était beau. Une superbe revisite du vampire associée à l'amour d'une mère, c'est un de mes textes préférés. Et Wrestling with Angels est une réécriture moderne d'une histoire biblique, qui m'a plu pour la même raison que Sun/Flight, je ne m'attendais pas à explorer ce folklore-là, mais j'étais intriguée et je serais curieuse d'en lire plus. À l'inverse, Slipping Sideways through eternity prend un carton jaune pour moi pour deux raisons: la première est que l'idée est recyclée d'un roman déjà publié par l'auteure, la seconde est que le poème mentionne Hansel et Gretel et que franchement, j'aurais carrément voulu lire ça. Réécrire ce conte en particulier, une histoire qui parle des camps d'extermination, en le remaniant version Hansel et Gretel, je pense sincèrement que ça aurait été une idée à creuser, donc déjà que je n'étais pas hyper fan de l'histoire, apprendre qu'on a eu presque de l'auto-plagiat au lieu d'une réécriture de Hansel et Gretel qui aurait pu envoyer du lourd, ben ça m'a déçue. Ne serait-ce que pour la satisfaction par procuration de pousser un Nazi dans un de leurs propres fours (plus karmique, tu meurs). Autre petite remarque pour Allerleirauh à cause de l'explication, qui le dit basé sur une variante de Cendrillon, alors que les éléments de l'inceste et des robes de la couleur du soleil, de la lune et des étoiles viennent en fait de Peau d'Âne. Enfin, je trouve que The Woman who loved a Bear aurait eu meilleur compte de revisiter la Belle et la Bête que d'être une troisième redite de Cendrillon. Ma note 4/10 me parait bien. Certains de ces contes m'ont beaucoup plus, mais ceux-là ne représentent qu'un quart environ des contes du recueil. J'aurais aussi apprécié plus de cohérence dans le choix des contes.
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