Ice Massacre est le premier tome de la trilogie Mermaids of Eriana Kwai. Je suis tombée dessus via Goodreads, en cherchant parmi les romans mettant en scène des sirènes. Je cherchais plutôt un standalone, mais l'intrigue avait l'air intéressante, les critiques sont très bonnes et j'aime avoir l'occasion de soutenir un bon auteur indépendant, donc j'ai fini par le commander. Je suis assez déçue, en fait. J'aurais dû adorer ce bouquin, vraiment. Des sirènes meurtrières, une héroïne qui déchire, une amitié humaine-sirène, du danger, une révolution, ... Et ces éléments m'ont plu, beaucoup. Mais ce qui fout tout en l'air, c'est que le contexte ne tient pas debout. On dirait que l'auteure a pensé à des trucs qui lui plaisaient et a décidé de les mettre ensemble dans son bouquin sans se soucier de savoir si c'était logique. Exemple: le résumé dit que tous les ans, Eriana Kwai envoie ses soldats combattre les sirènes. Très bien. Mais ce que le résumé ne dit pas, c'est qu'ils envoient UN SEUL bateau tous les ans à la même date, avec 20 malheureux soldats dessus. Contre des centaines de sirènes (504 étant le record détenu par le père de Meela, même si je me demande toujours comment ils ont compté). Et là, on renvoie 20 adolescentes de 18 ans. Je croyais que la vingtaine de filles était tout ce qu'ils n'avaient pas encore envoyé, moi. Pas qu'elles avaient été choisies. Quel stratège militaire envoie ses troupes à 25 contre 1 et, quand les soldats ne reviennent évidemment pas, s'imagine que le problème vient du fait qu'ils sont des hommes? C'est quand même aberrant que le côté supériorité numérique n'ait JAMAIS été abordé. Et la date? Un Massacre en Mai et c'est tout? Pourquoi ce n'est pas une guerre continue? OK, on ne peut pas envoyer de bateaux en hiver à cause de la glace, mais le reste de l'été? Très franchement, ça ressemble plus à un sacrifice qu'à une véritable guerre et je m'attendais déjà à ce que ces explications bancales ne servent qu'à dissimuler un plot twist parce que c'est juste impossible de gober un truc pareil. Le contexte spatio-temporel m'a surprise. Contrairement à ce que je m'étais imaginée, Eriana Kwai n'est pas un pays dans un monde imaginaire. Il s'agit d'une île au Nord de l'Océan Pacifique, probablement proche de l'Alaska, qui compte 4 000 habitants. Ils vivaient de la pêche avant l'arrivée des sirènes et reçoivent, quand les bateaux arrivent à bon port, des provisions qui viennent du Canada et des États-Unis. Notons en passant, pour rester dans l'incohérence, que ces deux pays connaissent la situation d'Eriana Kwai avec les sirènes mais s'en foutent complètement. Au niveau temporel, Lysi dit que les sirènes sont arrivées quand le Passage du Nord-Ouest a fondu (j'imagine qu'on parle d'un futur plus ou moins proche selon l'avancée du réchauffement climatique, au minimum une cinquantaine d'années, non?) et quelques dizaines d'années avant le roman. Pourtant les soldats n'ont pas de fusils et Bob l’Éponge passe toujours à la télé canadienne. Je n'ai rien à reprocher au style d'écriture. Ce n'est pas extraordinaire, mais c'est plaisant et je préfère un style simple et sans prétention au style ampoulé que certains auteurs se forcent à prendre pour essayer de le faire passer pour poétique. Quelque chose me chiffonne au niveau de la structure. On commence par un prologue dans le feu de l'action (très bien, ça accroche le lecteur), on enchaine sur un premier chapitre au sujet de Meela la veille du jour où elle doit partir pour le Massacre (OK, pourquoi pas) et on est parti pour sept chapitres de flashback avant de passer à la seconde partie et revenir à la Meela de 18 ans. Pour moi, ça coince un peu. Le prologue, je suis totalement pour parce que ça donne envie d'en lire plus. Mais derrière, je pense qu'il aurait fallu mettre directement la partie "Huit ans plus tôt" (qu'on aurait pu appeler "Pendant ce temps à Eriana Kwai") et bouger le premier chapitre au début de la seconde partie. Là, le seul chapitre avec la Meela de 18 ans détonne un peu dans le paysage et surtout, on a sept chapitres pour complètement oublier ce qui s'y est passé avant de retourner à l'intrigue principale. Aussi, on a 27 pages de prologue + Meela adulte, une centaine de Meela enfant, puis 250 pages de Massacre. Pour avoir un équilibre, j'aurais coupé le Massacre en deux et fait Prologue => Meela enfant => le Massacre (avec le chapitre 1 dedans) => Mutineries (il y en a quasiment depuis le début du Massacre mais on aurait pu coupé au moment où ça commence à coûter des vies, au chapitre 17). On aurait eu quelque chose de plus équilibré alors que là, on a presque deux prologues, un très long flashback et enfin, le roman. Et c'est parti pour les spoilers. Étonnamment, quand j'ai choisi ce livre, je m'attendais à quelque chose de plus épique. Finalement, on a un tiers du livre consacré à Meela enfant, ce qui a son intérêt vu que ça explique l'origine de sa haine pour les sirènes, mêmes si ça aurait pu être mieux fait (j'y reviendrai), mais le reste alterne entre scènes de bataille et scènes de vie "normale". Parce qu'il n'y a rien d'autre à raconter quand les personnages principaux sont au large avec aucune autre interaction avec l'environnement que les créatures hostiles qu'ils rencontrent. C'est compréhensible et ça aurait pu être intéressant SI, et ce n'est malheureusement pas le cas, Meela s'intéressait à autre chose qu'elle-même et Lysi. Parce qu'autour d'elle, il y a quand même 19 autres personnages avec qui elle pourrait interagir, ce qui aurait le mérite d'épaissir quelques personnages secondaires en plus de nous donner quelque chose à se mettre sous la dent. C'est un gros souci du roman: les personnages ne sont absolument pas mémorables. On a Meela, l'héroïne, Lysi, sa copine sirène, et... des figurants avec qui il n'y a presque pas d'interaction. On a une vingtaine de personnages mais à part les noms qui sont donnés vite fait au moment du départ du bateau, ils sont difficilement différenciables les uns des autres. Même la meilleure amie et la camarade sensée servir d'antagoniste ne sont pas du tout développées, on ne sait RIEN d'elles. Je comprends que présenter vingt personnages serait long et pas forcément pertinent, mais on devrait au moins pouvoir en remarquer quelques uns. On a une vague ébauche de Blacktail et Linoya a une belle scène, mais même Annith, la meilleure amie, fait partie du décor et la psychose de Dani, la "méchante", sort quasiment de nulle part. Ce dernier élément est le plus gros gâchis à mes yeux, parce qu'une véritable opposition à Dani et la spirale qui mène au meurtre de what's-her-face (je ne me rappelle même pas son nom, c'est dire) auraient amené un véritable antagoniste de poids, ce qui manque cruellement vu que les sirènes ne sont qu'une masse informe dont absolument aucun spécimen ennemi ne se détache avant l'apparition du Roi à la toute fin. Tout ce qui ne concerne pas directement la relation Meela/Lysi semble négligé, même le conflit entre les humains et les sirènes, et franchement? Même Meela m'a paru plate. Le Roi, tiens, parlons-en. Le Roi apparait à la fin, pour expliquer ce qu'il veut. On apprend qu'il s'en prend à Eriana à cause d'une légende de l'île qu'aucun personnage n'avait jamais ne serait-ce qu'évoqué (donc on n'avait aucune chance de le savoir), et que son but final semble être "dominer le monde". OK. Donc on a passé tout le livre à combattre les sirènes et c'est seulement maintenant qu'on a une explication quant au pourquoi, et elle sort de nulle part. Et il demande à Meela de l'aider à obtenir ce truc de la légende parce qu'il a besoin d'un natif de l'île pour l'obtenir pour lui MAIS depuis le temps qu'il envoie ses sujets à l'assaut de l'île et que les habitants ripostent en envoyant des soldats, il n'avait jamais pensé à demander à quelqu'un d'autre. Pourquoi ne pas avoir demandé à ses troupes de lui amener des prisonniers lors des Massacres précédents pour leur proposer le marché qu'il propose à Meela? Allez savoir. Toujours est-il qu'il n'y a pas de plot twist concernant le principe du Massacre, finalement, c'est bel et bien une guerre gérée par le pire stratège militaire jamais écrit. En plus, on a le gros cliché du méchant qui veut conquérir le monde. Probablement parce qu'il est méchant. Quelle déception. La partie huit ans plus tôt était une bonne idée pour expliquer comment Meela en était venue à détester les sirènes. Mon seul reproche, c'est que cette évolution, on ne la voit pas vraiment. On a l'amitié avec Lysi, la désapprobation de ses parents, la trahison de l'autre sirène, ... et c'est tout. Meela qui considérait Lysi comme sa meilleure amie, ne lui laisse même pas le bénéfice du doute et voue d'un coup une haine farouche aux sirènes. La progression n'est pas montrée parce qu'elle n'a aucun sens, finalement. Elle-même a été confinée chez elle suite à la découverte de son amitié avec Lysi par son père et Lysi a avoué qu'elle aussi, aurait de gros problèmes si une autre sirène l'apprenait. Mais quand une autre sirène se pointe, à aucun moment elle ne se dit que peut-être Lysi aussi s'est fait prendre et est retenue chez elle contre son gré. Ou qu'elle a été suivie, comme elle-même l'a été par son père. Elle ne se dit pas que si le charme des sirènes ne fonctionne qu'avec les hommes, ce n'était absolument pas logique de Lysi s'entraine avec une jeune fille. Si elle y avait réfléchi au lieu de se mettre à haïr son amie sur la base de ce que les autres lui ont dit, elle se serait peut-être rendu compte que tout ce qu'elle lui reprochait avait une bien meilleure explication qu'une trahison. Détail qui me chiffonne: pourquoi, sur leur super ceinture de soldat, il y avait un baume pour les lèvres et du khôl? Si vraiment je veux être coulante, je peux passer sur le baume importé (ils crèvent de faim parce qu'ils n'arrivent pas à faire importer assez de nourriture mais ils réussissent à se faire livrer du baume pour les lèvres?) parce qu'elles allaient dans un coin où leurs lèvres allaient gercer (et c'est vraiment important pour leur survie que ça n'arrive pas, faut croire) mais du KHÔL? POURQUOI? Pourquoi leur filer du maquillage? Et quitte à leur en donner, pourquoi pas du mascara? J'espère qu'au moins, il était waterproof, parce que le khôl, avec les embruns, bonjour la tronche de panda. Elles avaient du démaquillant, avec, au moins? Si le seul intérêt était d'avoir un tranquillisant pour assommer Dani, il n'y avait rien de plus logique et de plus subtil? Comme une fille qui aurait amené son maquillage en douce? Ou chacune avait le droit d'emmener un objet personnel? Sur 20 nanas, il devait bien y en avoir une qui aurait tenu à son image, ou qui aurait trouvé la routine du geste réconfortante. N'importe quoi de plus logique que "tenez, une ceinture de combat avec des armes et du MAQUILLAGE". Et tout ça pour écrire la romance Meela/Lysi. Une romance à l'évolution mal dosée, passant de "on est amies d'enfance, je t'adore" à "tu as essayé de me faire tuer, je te déteste", puis à "ah en fait non? OK, je te crois sur parole alors que j'ai passé les dix dernières années à te haïr", à "on se voit en cachette tous les soirs et je pense à toi tout le temps" et enfin à "je suis amoureuse de toi". Comme avec le pétage de plombs de Dani, il n'y a pas de nuances entre les stades intermédiaires. Une évolution en escalier alors que la pente aurait été plus subtile et cohérente. Et c'est vraiment dommage parce que j'espérais vraiment qu'une fois la romance installée, je serais moins dérangée par le contexte. Mais non. Parce que non seulement la romance n'est pas mieux décrite que le reste, mais en plus, ça ne bouge à ce niveau-là qu'à la fin du roman. Je ne voyais aucun intérêt aux interactions Meela/Lysi avant que Lysi ne sauve Meela de la noyade, exposant leur amitié au reste des deux camps. Si c'était arrivé plus tôt, on aurait pu avoir quelque chose d'intéressant, comme les deux capitaines que ça aurait intrigué et qui auraient décidé d'une trêve le temps de comprendre la situation, par exemple. Meela aurait pu ne pas être la seule à nourrir des doutes sur le bienfondé de leur mission, histoire de lier leur relation à l'intrigue. Meela aurait pu être blessée dans sa chute et Annith aurait autorisé Lysi à rester à son chevet, ce qui aurait pu amener une belle conversation sur ce qu'elle risquait en étant là et Lysi aurait dit que Meela en valait la peine. Ce que les autres auraient pu entendre. Et qui aurait pu amener un débat, une alliance ou même une rébellion. Sauf que ça arrive presque à la fin du roman, sans rien d'autre pour l'annoncer que Meela qui se répète sans arrêt de ne plus penser à Lysi tout le temps, et que tout ce que ça engendre, c'est la capture de Lysi par le Roi pour que Meela récupère un artefact inconnu du lecteur pour lui. Résultat: il faut attendre littéralement la dernière ligne du roman pour qu'on aborde clairement l'idée que leur relation soit romantique. Résultat: je suis déçue. L'idée était vraiment bonne, les ingrédients pour en faire un de mes coups de cœur étaient là, mais l’exécution n'est clairement pas à la hauteur. Le contexte n'est pas cohérent, les personnages manquent cruellement de relief et l'intrigue est pleine de temps morts et d'occasions manquées. Je ne pense pas lire la suite. En plus Et vous, auriez-vous survécu au Massacre? Si vous êtes curieux de le savoir, le site de l'auteure propose un quiz pour le savoir. Malheureusement pour moi, je me serais fait dévorer par une sirène. Je savais bien que j'aurais dû refuser les avances de Scarlett Johansson. Mais bon, vous l'avez bien regardée? Ma note 3.5/10. L'idée est bonne, le style est agréable et il y a des scènes intéressantes mais il manque des éléments capitaux à l'intrigue pour que la sauce prenne. Dommage. Le mois prochain Encore un livre pas traduit en français, désolée! J'ai choisi The Hate U Give, d'Angie Thomas, un roman inspiré du mouvement Black Lives Matter sorti le mois dernier. J'ai vu des éditions allemande et espagnole, donc je pense qu'une traduction française devrait suivre.
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