Je ne saurais pas dire pourquoi, mais ce synopsis m'a convaincue qu'il me FALLAIT ce bouquin. Du coup, il a rejoint ma wishlist illico et j'ai eu la délicieuse surprise de le trouver sous le sapin cette année, offert par une amie. Trop sympa, vraiment. Cœurs sur elle. Et j'ai à peine pris le temps de terminer mon livre précédent avant de sauter dedans à pieds joints. J'adore. Cet article ne va pas être bien long, parce qu'à part répéter que c'est superbe et serrer le livre contre mon cœur, je ne sais pas trop comment exprimer à quel point j'ai aimé ce roman. J'en ai du mal à organiser mes pensées. Commençons par le titre, La Discrétion. Cette vertu dont Yamina fait tant preuve et qui s'explique peut-être par le fait qu'elle ne s'est jamais sentie chez elle en France. Elle se considère comme une invité, tenue à ce respect qu'on doit montrer quand on est chez les autres. Parce que chez elle, c'est la ferme en Algérie, pas le taudis insalubre dans lequel elle vivait juste après son mariage. Quelque part, je comprends. "Ne te fais pas remarquer", dans un pays qui regarde déjà les maghrébins de travers, c'est presque un conseil de survie. Mais bon sang, ce que la rage de Hannah me parle! Hannah qui n'hésite pas à exiger le respect qui est dû à un être humain, Hannah qui ne tolère pas le racisme de l'employée de la préfecture, et à raison, parce que je me fiche pas mal des histoires de Fabienne, rien ne justifie son attitude. Comme rien ne justifie que Malika n'ait pas le droit de s'adresser en Arabe à une personne qui parle mal le français. Comme sa sœur le fait remarquer, si ça avait été de l'Anglais, on l'aurait félicitée. L'hypocrisie à peine dissimulée. Et dans un contexte où le Président de la République vient juste de refuser de présenter les excuses promises à l'Algérie pour la colonisation, je trouve que c'est d'autant plus important que la parole se répande sur ce qui s'est passé, et aussi sur les traumatismes qui ont été transmis aux générations suivantes. Un des chapitres du début raconte comment un soldat français en Algérie colonisée a pointé un pistolet sur le front d'un bébé, en disant qu'il deviendrait un résistant s'il le laissait vivre. Une scène sortie des souvenirs de la mère de Faïza Guène. Et Macron estime qu'on n'a pas à présenter d'excuses pour cette barbarie? On a besoin de ces histoires. Les enfants d'immigrés ont besoin de savoir exactement d'où ils viennent et comment ils sont arrivés où ils sont, et les autres ont besoin de savoir ce qui s'est passé parce que, qu'on le veuille ou non, ça fait partie de notre Histoire. Celle de notre pays. On ne peut pas balayer ça sous le tapis comme si ça n'était jamais arrivé. On n'en a pas le droit, surtout alors que les personnes qui descendent d'immigrés subissent toujours le racisme. Au niveau des personnages, j'ai été très touchée. Ils sont tous tellement différents mais aussi tellement attachants à leur manière. Chacun porte son histoire et ses angoisses, et la plume qui les décrit? Absolument exquise. Faïza Guène a peint une fresque sublime, avec des décors évocateurs pour situer les souvenirs de Yamina et de Brahim, et des mots si justes pour laisser leur humanité nous aller droit au cœur. Cette nostalgie de Yamina pour son pays, et ce déchirement de ses enfants, qui cherchent leur place entre leurs racines et le pays où ils sont nés, ces sentiments sont tellement bien transmis par l'écriture qu'il est à mon avis impossible de ne pas en ressentir l'écho dans notre propre cœur. Spoilers ! Je pense qu'un des passages qui m'a le plus fendu le cœur, c'est quand Malika fait des recherches sur l'ancienne école de sa mère. Ce n'est pas juste qu'elle n'ait pas trouvé ce qu'elle cherché, c'est que ce qu'elle a trouvé... C'est ignoble. L'histoire de Yamina a été complètement effacée. Tout a été colonisé par les Français, jusqu'au nom même du village. Quand on pense à la colonisation, j'imagine qu'on pense surtout à la Guerre d'Algérie (dont on parle encore beaucoup trop peu à l'école, je trouve), l'occupation, la violence physique. Mais ça, c'est une autre forme de violence. On nie, on invisibilise, on efface. On colonise jusqu'aux souvenirs de Yamina. J'étais triste pour Yamina, et folle de rage en même temps. Et ça ne fait qu'illustrer le BESOIN qu'a la littérature française de ces récits, à ce stade, ça relève du devoir de mémoire. Quant à cette dernière scène, avec Yamina dans la piscine... Oh boy, j'ai pleuré comme une madeleine tellement j'étais émue par la joie pure de Yamina. J'ignore pourquoi, peut-être que c'est de la voir recevoir l'attention qu'elle mérite, peut-être que c'est son cri de joie, peut-être que c'est son sentiment d'enfin se sentir à sa place dans le monde, peut-être que c'est qu'elle a enfin pu prendre de vraies vacances, ou même un combo de toutes ces choses. Toujours est-il que j'ai été émue aux larmes par cette femme qui a vécu tant de choses, et traversé tant d'époques, mais qui s'émerveille de flotter dans une piscine. Yamina est un soleil, une source de lumière et même si j'ai profondément honte de la manière dont la France l'a traitée, je suis ravie que ses enfants savent qui elle est et à quel point elle est extraordinaire. Bref, vous l'aurez compris, j'ai adoré et je compte bien lire TOUS les autres romans de Faïza Guène, parce que sa manière d'écrire me touche énormément. Je recommande aussi de lire les interviews données par Faïza Guène au sujet de La Discrétion, comme celle-ci, parce qu'elle est fascinante à lire. Ma note 10/10. La Discrétion est à la fois plein de colère et de délicatesse, avec des personnages tellement humains et une plume exquise. Et je pense qu'il devrait être proposé en cours d'Histoire au lycée. Le mois prochain J'ai promis de mettre Ma Sœur, Serial Killeuse, d'Oyinkan Braithwaite tout en haut de ma PAL, donc c'est le moment de me lancer!
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