Je garde un très bon souvenir de la BD Le Chat du Rabbin, donc quand je suis tombée sur une photo de ce roman sur Instagram et reconnu le nom de l'auteur, ma curiosité a été piquée. Une chose en entrainant une autre, j'ai commandé un exemplaire (vu que celui de ma bibliothèque était sorti). J'ai mis du temps avant de décider ce que je pensais de ce roman, mais au final, j'ai beaucoup apprécié ma lecture. Déjà, j'ai un petit mea culpa à faire: j'ai beau prêcher la diversité en littérature, j'ai un gros angle mort au niveau de la religion juive. Je dois connaitre deux, peut-être trois bouquins dont le personnage principal est ouvertement juif ET qui ne traitent pas de l'Holocauste. C'est un gros manque à ma culture, auquel je compte bien remédier. Je reconnais aussi n'avoir lu ni Kafka, ni Malamud, donc s'il y a des références à leur œuvre, je les ai loupées. Mon avis est donc celui d'une profane. Ma première impression, ça a été un sacré dépaysement. Outre le fait que je lis peu de littérature française, je ne crois pas avoir jamais lu un roman aussi ancré dans l'actualité du pays, en particulier politique. Macron, Gilets Jaunes, on peut définitivement situer la période pendant laquelle le roman a été écrit et c'est surprenant pour moi, mais pas du tout désagréable. Quelque part, j'ai trouvé que ça popularisait le roman, moi qui reproche souvent à la littérature française d'être trop élitiste. Une grosse bourrasque d'air frais dans un paysage littéraire ô combien étouffant. Au niveau des illustrations, on retrouve avec bonheur la patte distinctive de Sfar. Je me suis arrêtée sur le dessin et les couleurs de la couverture, que je trouve magnifique, mais il y a aussi des portraits des personnages au début de chaque chapitre, et j'ai adoré cette galerie de portraits, qui permet de mettre un visage sur les personnages décrits dans le roman. Honnêtement, je n'ai pas l'impression d'avoir saisi la signification des monstres. Je crois que le seul qui m'a paru relativement évident (mais je peux me tromper), c'est le fantôme de Rebecka. J'ai pensé que c'était probablement un reste de l'emprise que son ex avait eu sur elle à l'époque et que l'idée était de montrer qu'on peut garder d'anciens traumatismes avec soi, au point qu'ils ont toujours un effet sur notre présent. Et peut-être que les flammes crachées par Sara Lanterne représentent son éloquence, ce qui expliquerait son enlèvement et son rôle dans l'intrigue. Concernant les vampires ou autres, j'admets que s'il y a une métaphore, elle m'est passé au-dessus de la tête. Désolée. Mais la présence de ces monstres nous intrigue justement à cause de ce monde si fermement calqué sur le nôtre. J'ai mentionné plus tôt à quel point le cadre spatiotemporel était identifiable, je pense que c'est ce qui renforce cette opposition marquée entre l'histoire de François et celle de Ionas. Spoilers! Ceci dit, la manière dont la montée de l'antisémitisme est décrite m'a filé des frissons le long de l'échine. C'est un sujet beaucoup trop souvent minimisé, probablement en grande partie parce que les préjugés dont les Juifs sont victimes sont particulièrement tenaces. C'est aussi ce que m'a fait soupçonner le pouvoir de Sara à la fin, que les porte-paroles se servent des flammes qu'elles crachent, de l'éloquence de ses mots, pour propager leur discours de haine antisémite de manière convaincante. C'est effarant que l'antisémitisme soit aussi présent, aussi rampant en France, et pourtant si ignoré. J'ai beaucoup aimé le passage où le père de François se lance dans une foule antisémite en hurlant qu'il est juif, mais ils l'ignorent. J'ai presque ri, parce que j'ai pensé que toute forme de discrimination se base sur des clichés qui ne correspondent pas à la réalité, et que ces manifestants, confrontés à un véritable Juif, ne le reconnaissent même pas comme tel parce qu'il ne ressemble pas à l'image qu'ils se sont faits des Juifs. Raison pour laquelle, d'après moi, ils finissent par lyncher le véritable monstre, parce que lui, il ressemble à cette caricature antisémitique dégueulasse qu'ils ont appris à associer aux Juifs. Être antisémite, finalement, c'est haïr le mot et pas la personne elle-même. Cette fin m'a tout de même laissée perplexe. Encore une fois, j'ai eu l'impression que la métaphore m'avait échappée. Je ne sais pas, peut-être que c'était une manière de terminer le roman sans pouvoir proposer une solution magique à l'antisémitisme ambiant, peut-être que démontrer ce que j'explique dans le paragraphe précédent était justement le but, peut-être qu'il y avait un sens plus littéral que je n'ai pas compris. Ou alors, peut-être que le but était de montrer que ce qui passe pour un Juif dans l'esprit des antisémites existe bien, mais n'est juste pas juif. Que c'est juste un monstre cupide qu'on trouve à l'intérieur de ceux qui basent leur carrière sur cette haine, à l'instar de l'humoriste Donnémoidufric. Que les antisémites se trompent de cible. Bref, mon interprétation est peut-être mauvaise, mais ça n'empêche que j'ai bien aimé ce roman. C'est décalé et fun, à sa manière, et cette réflexion un peu exagérée de notre monde m'a forcée à me poser des questions auxquelles je n'avais pas vraiment pensé auparavant. Ma note 8/10. Je recommande tout de même de lire des reviews de personnes concernées parce que je suis très ignorante sur le sujet, mais j'ai aimé le roman. Le contexte est très ancré dans l'actualité, les personnages sont originaux et je trouve que l'intrigue tient la route une fois qu'on en accepte les prémices. Le mois prochain J'ai craqué pour Mexican Gothic, de Sylvia Moreno-Garcia.
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