Je n'avais jamais entendu parler des Magiciens avant de tomber sur la bande-annonce de la série de Syfy. J'ai donc commencé par regarder la série, puis ai appris l'existence du roman et envisagé de le lire. Le synopsis faisait penser à un genre de crossover Harry Potter/Narnia version sombre et pessimiste, bref, tout pour me plaire, Les Magiciens a donc rejoint ma PAL juste à temps pour le lire avant le lancement de la saison 2 de la série en début d'année prochaine. Je... Je suis un peu dans une impasse, en fait. Mon problème vient du fait que c'est un livre très intelligent mais qu'au niveau du divertissement, je ne l'ai pas trouvé passionnant. Commençons par le personnage principal: Quentin. Quentin n'est pas un personnage appréciable mais il est réaliste. Il n'est jamais heureux de rien et espère envers et contre tout trouver un passage vers Fillory, un monde imaginaire similaire à Narnia. Il est renfermé, revêche et immature. Il est intelligent et il le sait, ce qui le rend un peu arrogant sur les bords. En ce qui me concerne, c'est un combo qui fonctionne. Je vais être honnête, il est loin d'être appréciable, mais il a le mérite d'être cohérent et il est aux antipodes du héros valeureux qui va sauver le monde, c'est rafraichissant. Par contre, le roman est entièrement écrit de son point de vue, donc avant de vous lancer, gardez en tête que s'il vous irrite, vous allez devoir le subir pendant près de 500 pages. Le roman se divise en quatre livres. Le premier se concentre sur l'éducation à Brakebills. Les cours, les révisions, les tests, les bases de la magie et les amis que Quentin y rencontre. Ensuite on a un petit interlude sur sa vie après la remise des diplômes. Le troisième livre concerne Fillory. Le dernier fait un peu office d'épilogue. Les livres I et III sont les plus développés, les II et IV sont en quelque sorte la descente. Je signale aussi en passant que le synopsis original n'en révèle pas autant que le français et que ce serait sympa de ne pas spoiler la moitié du bouquin sur le quatrième de couverture. Je vais faire court sur l'écriture parce que je l'ai lu en anglais. Quelques paragraphes de la traduction française ont suffi pour que je remarque un incohérence au niveau de la couleur de cheveux de Julia, incohérence dûe à une traduction un peu trop libre ("freckled" signifie qu'elle a des tâches de rousseur, pas qu'elle est rousse) et vu le prix de cette traduction, j'ai préféré la précision de la version originale. Donc au niveau de l'écriture, c'est très littéraire. Le style est travaillé, le vocabulaire nuancé, ce qui rend le lexique assez étendu et peut poser problème à un lecteur au niveau d'anglais moyen. Et petit grief personnel: M. Grossman est fan de comparaisons, sur le modèle de "... like a..." au point qu'il arrive que plusieurs phrases formulées de cette manière se suivent. Je comprends l'intérêt de décrire avec précision, mais il y a un ou deux passages où j'ai trouvé que ça faisait vraiment répétition. Aussi, il jure pas mal. Attention spoilers. Un des gros points positifs, qui est pour moi ce qui justifie l'appellation "Harry Potter pour adultes", c'est que la magie, c'est dur, c'est addictif et c'est dangereux. Ici, il faut plus qu'un Wingardium LeviOsa (et pas LeviosA) et un coup de baguette magique pour réussir à lancer un sort. À Brakebills, la magie demande de la patience, de la précision, énormément de travail, au point que moi-même, qui suis plutôt confiante en mon propre Q.I., je ne suis pas certaine que j'aurais pu ne serait-ce que passer l'examen d'entrée. La magie n'est pas réservée à une élite par hasard et elle n'est pas franchement glamour, même si on laisse de côté les passages drogues/sexe/alcool. Le chapitre en Antarctique me semble bien représentatif de cette conception de la magie, en plus de la comparaison avec l'apprentissage des langues étrangères que j'ai trouvée très à-propos: la théorie, c'est bien, mais elle ne remplacera jamais la pratique en immersion. Et cet apprentissage est nécessaire parce que les conséquences d'un sort raté peuvent s'avérer particulièrement funestes, comme on l'a vu avec l'apparition de la Bête ou ce qui est arrivé au frère d'Alice. Ceci dit, le parallèle avec Narnia me parait beaucoup plus flagrant que celui avec Harry Potter. Le livre lui-même est assez sec. Concrètement, on a le potentiel pour une intrigue de fou, mais on ne l'utilise pas. On reste en touriste, en quelque sorte. On suit Quentin pendant son apprentissage de la magie, puis pendant sa vie à New York, puis à Fillory. Mais même quand il se passe réellement quelque chose, on a que peu d'intensité dans ces scènes. Même les scènes de beuverie sont ennuyeuses et les scènes de sexe ne sont même pas vraiment décrites (je suis très déçue qu'on nous ait privé du super threesome Quentin/Elliot/Janet). Je pense que c'est un choix de l'auteur. On voit tout ce qui se passe à travers les yeux de Quentin et Quentin attend tellement de la vie que ce qu'il vit ne l'impressionne jamais. Il n'est heureux de rien, il passe son temps à croire que le bonheur l'attend dans une autre vie que la sienne sans jamais se dire que peut-être, le bonheur absolu n'existe pas, que les autres mondes craignent autant que le nôtre et qu'il gâche la vie qu'il a à toujours en espérer une meilleure. C'est le principe même du livre: même si la magie existait, le monde serait toujours aussi dégueulasse. La fin nous le rappelle bien: des héros meurent, d'autres sont gravement blessés, des "monstres" ne sont que des gosses qui se planquaient dans des horloges pour échapper au mec qui abusait d'eux et la magie en général ne fait que ruiner la vie des gens. Bienvenue à Fillory, #EnfanceRuinée. Quentin termine donc le livre grandi, même s'il lui aura fallu du temps. Il rejette la couronne qu'il a attendu toute sa vie et renonce à la magie alors qu'au début du livre, il aurait tué et écrasé tout le monde pour ça. Parce qu'entre les deux, il a vu la monstruosité de près. Il a vu ce que la magie peut faire, à Alice, à Penny, à Julia, à Martin, même à lui-même (et je ne parle même pas d'Amanda que la Bête a dévoré vivante). Il a compris qu'elle était plus une malédiction qu'un don. Et pourtant, quand ses amis reviennent le chercher, il replonge. J'admets ne pas voir d'autre raison que l'addiction pour justifier ce retournement de veste donc je ne m'étendrai pas trop sur ce point. Ce serait peut-être plus clair avec une relecture ou les tomes suivants. Au niveau des autres personnages, on a surtout Alice et Elliot. On n'a pas grand chose à se mettre sous la dent niveau compréhension des personnages du fait que Quentin est très centré sur lui-même et ne semble que peu s'intéresser à ce qui arrive aux autres, même ses amis, tant que ça n'a pas de réelle conséquence sur lui. Par exemple, j'ai été surprise à la fin quand Elliot mentionne qu'il considère Quentin comme sa famille parce que je n'ai pas remarqué de réelle connexion entre eux. On a tout de même quelques indices les concernant qui nous indiquent qu'ils sont aussi désaxés que Quentin. J'aime croire qu'il a finalement développé un véritable sentiment d'amour pour Alice sur la fin, quand au lieu d'être jaloux de sa puissance et de sa maitrise, il n'a ressenti que de la fierté. J'ose espérer que le tome suivant inclut un peu plus les autres personnages, en particulier Julia dont le parcours m'intéresse particulièrement (d'après ce que j'ai entendu dire, c'est le cas). Penny ne les rejoint que dans la seconde partie du roman. Penny est intéressant parce que Quentin en est profondément jaloux. Dès le début, où il avait trouvé le test facile alors que Quentin avait eu quelques difficultés, Penny était un ennemi à abattre. Leur rivalité a pris de l'ampleur quand il s'est agi de passer la première année (Penny l'a même frappé) et ce n'est pas un hasard si Alice a couché avec lui quand elle a voulu lui faire du mal. Le fait que Penny soit celui qui a découvert Fillory est un affront de plus. Pourquoi? Parce que Quentin est supérieurement intelligent et c'est un point sur lequel le roman insiste: à Brakebills, les gros poissons du monde extérieur ne sont que du menu fretin. C'est très déstabilisant pour quelqu'un qui a l'habitude de dominer la compétition, de finalement se retrouver face à des adversaires à sa taille. Toute sa vie, Quentin était parmi les meilleurs et il a appris à penser en conséquence. Une fois à Brakebills, ce n'était plus le cas et son ego en a pris un coup. Il a récupéré le sentiment d'appartenir à une élite en intégrant le groupe des Physiques, même s'il n'en était pas réellement un lui-même, tout ça pour voir de nouveau Penny débarquer en supérieur au moment où lui-même se sentait nul d'avoir trompé Alice. Et en prime, Penny couche avec Alice, ce qui, évidemment, ravive les sentiments négatifs que Quentin éprouvait déjà à son égard. Pourtant, quand le cerf blanc lui accorde des voeux, son premier choix est de rendre ses mains à Penny, comme quoi, il a fini par évoluer. La Bête est le principal antagoniste du livre. Elle apparait environ au bout d'un tiers du livre et marque une profonde désillusion pour Quentin. Lui qui croyait que la magie lui ouvrirait les portes d'un monde parfait tel que Fillory, il a été salement déçu de constater que ce nouveau monde était tout aussi glauque et injuste que Brooklyn. Ce sentiment s'accentue à la fin du roman, quand on découvre que la Bête est en réalité Martin Chatwin, qui a réussi à rester indéfiniment à Fillory au prix de son humanité. Quentin, qui jusque là enviait Martin d'avoir probablement réalisé son rêve, est tombé des nues quand il s'est rendu compte de ce que ça lui avait coûté, surtout qu'il a vite compris que ça n'en avait pas valu la peine. Le parallèle entre les deux personnages était plein de promesses, dommage que: - la Bête n'apparaisse qu'une fois rapidement avant de revenir environ 60 pages avant la fin pour le combat final (et donc mourir même pas 20 pages plus tard), surtout qu'entre les deux, on ne peut pas dire qu'on ait ressenti sa présence d'une manière ou d'une autre. - Martin soit finalement vaincu par Alice et pas par Quentin. J'aurais préféré que la Bête apparaisse plus souvent, qu'on ait un véritable présence ennemie pendant le livre et que Quentin ait ses révélations sur la recherche du bonheur plus progressivement. J'aurais aussi aimé qu'on creuse un peu plus son parcours au lieu de juste balancer à la fin que l'auteur des Chroniques de Fillory le violait et que c'était un jour où il essayait de se cacher de lui qu'il avait découvert le passage vers Fillory (plus désinvolte, tu meurs). Quelque part, je pense que l'envie que Quentin ressentait vis-à-vis de Martin n'était pas suffisamment accentuée pour que la révélation de l'identité de la Bête choque. J'aurais voulu qu'on garde toujours en tête cette admiration de Quentin pour tomber de vraiment haut à la fin. En résumé, le principe m'a beaucoup plu, les personnages sont réalistes, mais j'aurai préféré quelque chose de plus vicéral et moins intellectuel. Adaptation La série de Syfy, créée par Sera Gamble, est diffusée depuis janvier 2016 et a été renouvelée pour une saison 2 qui sera diffusée à partir du 25 Janvier 2017. Personnellement, j'ai aimé. Des personnages (Margo <3) à l'intrigue, je suis preneuse. J'ai hâte de voir ce qui se passe ensuite. Ma note Je ne sais pas trop comment noter. D'un côté, c'est un livre très intelligent, mais de l'autre, il faut bien reconnaitre qu'au niveau du divertissement, il laisse beaucoup à désirer. Disons que si on cherche un roman porté par son personnage, c'est excellent, mais si on a besoin d'une quête, il va paraitre profondément ennuyeux. Je vais donner 7/10 mais j'ignore si je lirai la suite. Probablement. Mais après la saison 2 :) Le mois prochain Je rattrape Quelques minutes après minuit de Patrick Ness, et encore toutes mes excuses pour le retard de ce mois-ci.
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