J'ai découvert ce livre grâce à son auteur, créateur du spin-off de la série Doctor Who, Class. Une rapide recherche Wikipedia du genre "qui c'est, ce mec, et qu'est-ce qu'il va faire à une de mes séries préférées?" m'a indiqué qu'il était romancier et en consultant la liste de ses œuvres, celle-ci en particulier a retenu mon attention. Le roman a été écrit par Patrick Ness, d'après une idée de Siobhan Dowd (elle-même auteure de livres pour enfants, décédée d'un cancer du sein avant de pouvoir écrire le livre) et illustré par Jim Kay. Pour présenter l'histoire un peu plus clairement, Conor est un jeune garçon dont la mère est atteinte d'un cancer. Chaque nuit, il fait le même cauchemar et une nuit, un "monstre" apparait pour lui raconter des histoires. Attention: mon édition à moi (Folio Junior) ne contient pas les illustrations de Jim Kay. En revanche, elles sont bien présentes dans l'édition grand format (Gallimard Jeunesse) que j'ai consultée à la bibliothèque. Je ne sais pas pourquoi mais je trouve ça nul et j'ai été très déçue de m'en apercevoir. Je commence l'année très fort avec un roman magnifique. L'histoire est touchante et très bien écrite, elle aborde des thèmes sombres et très tristes mais elle le fait avec beaucoup de délicatesse, je trouve. C'est un des gros points positifs: même si c'est triste, on ne tombe jamais dans le pathétique. Il y a une dignité dans les scènes tristes, une pudeur qui fait qu'on n'est jamais dans l'exhibition de la douleur. L'auteur ne cherche pas à nous faire pleurer pour le principe. Conor ne mendie pas notre compassion, il la mérite et il l'obtient sans jamais la réclamer. Je me suis attachée aux personnages principaux, Conor, sa mère et sa grand-mère, dont la peine m'a beaucoup touchée. Les autres ne sont que peu développés mais c'est dû à l'isolation de Conor et au fait que le roman est écrit de son point de vue. J'ai tout de même du mal à ne pas en vouloir au père de Conor d'abandonner la mère de son fils sur le point de clamser juste parce que sa nouvelle femme a besoin qu'il lui tienne la main, mais quelque part, je comprends. Il ne fait plus partie de la famille. Le monstre n'est pas effrayant. Son apparence l'est, d'après les descriptions et les illustrations, mais ni Conor ni le lecteur n'ont vraiment peur. Il n'est pas non plus maléfique, il est venu pour aider Conor. Ceci dit, ça lui arrive de piquer des colères pas piquées des vers. Parce qu'il n'est pas méchant, c'est vrai, mais il est "tout ce qui est sauvage et indomptable" et il ne semble pas raffoler de l'insolence de Conor. Dans son petit discours sur son identité, on apprend tout de même qu'il a plusieurs noms qu'on peut rechercher relativement facilement, comme Cernunnos ou l'éternel Homme Vert, qui sont apparemment des divinités de la nature et de la vie. Ce qui me semble cohérent avec le personnage. Les histoires que le monstre raconte ne sont pas choisies au hasard. Bien qu'il dise qu'elles ne sont pas destinées à donner une leçon à Conor, elles ont bel et bien une morale qui sera importante dans l'histoire. La première est claire: parfois, il n'y a ni méchant ni gentil dans une histoire. Comme avec le cancer de sa mère. Conor en veut au monde entier parce qu'il cherche un coupable, il en a besoin. Mais il n'y en a pas. Ce qui arrive à sa mère et à lui n'est la faute de personne et même si sa grand-mère lui fait l'effet d'une sorcière, comme la reine, elle n'est pas coupable de meurtre. La seconde me laisse un peu plus perplexe et je ne suis pas certaine de mon interprétation. J'ai pensé que c'était une manière de reprocher à Conor de vouloir "fuir" en Amérique avec son père, en partie parce que cette discussion a lieu peu de temps avant, mais je peux me tromper. Je reviendrai sur la troisième dans les spoilers. Les illustrations sont sombres et brutes, elles correspondent parfaitement à l'histoire: Attention, spoilers. Le monstre ne représente pas le cancer et il n'est pas non plus venu pour sauver la mère de Conor, je pense qu'il représente la Colère elle-même et qu'il est venu aider Conor à exprimer la sienne pour qu'il puisse guérir. Je ne l'ai pas remarqué tout de suite, mais la superposition des destructions qu'ils causent dans les seconde et troisième histoires pointent dans cette direction, en particulier la troisième lorsque leurs deux voix se confondent. Aussi, il apparait quand Conor est en colère, comme lorsqu'il discute avec sa grand-mère dans la cuisine. Il est puissant, immense et destructeur. Il pousse Conor à diriger sa colère au bon endroit et à la laisser sortir au lieu de se laisser ronger de l'intérieur. Parce que c'est Conor qu'il est venu sauver, pas sa mère. Autre point important du roman: Conor est complètement isolé. Sa mère est très malade, son père est parti en Amérique avec sa nouvelle femme et n'a pas de temps pour lui, ils ne parlent même plus la même langue, il n'a rien en commun avec sa grand-mère et depuis que la nouvelle de la maladie de sa mère s'est répandue à l'école, aucun de ses camarades de classe ne lui adresse la parole. Conor n'a personne à qui parler et ça le ronge. La troisième histoire du monstre est parlante: il est devenu invisible. Et même quand finalement, ils le voient, Conor n'en est que plus isolé parce qu'ils le craignent. Sa relation avec sa grand-mère est pour moi la plus intéressante. Parce qu'il ne l'aime pas, mais quand elle rentre, voit le salon détruit et balance un truc à son tour, Conor est surpris. Parce qu'il n'avait pas compris ce qu'elle lui dira plus tard: "on a quelque chose en commun. Ta maman." Il va perdre sa mère, mais elle va perdre sa fille et elle aussi est rongée par le chagrin, même si, comme lui, elle essaye de faire bonne figure. J'ai aimé qu'on nous laisse sur une note d'espoir, de ce côté-là, avec l'idée que même s'ils ne s'entendent pas très bien, ils s'aiment quand même et ils ont un point commun suffisamment important pour servir de base à une relation plus étroite à l'avenir. La sous intrigue avec Harry montre autre chose: Conor se sent coupable. Il pense mériter d'être puni. C'est pour ça qu'il se laisse maltraiter par Harry et qu'il en veut à quiconque essaye d'intervenir, comme Lily et Miss Kwan. Ses persécutions ont commencé peu après son premier cauchemar, comme si c'était une conséquence directe et Harry le remarque quand il fait mine de frapper Conor et que Conor ne bouge pas. Quelque chose dans son cauchemar le remplit de honte et de culpabilité, et il faudra attendre la dernière histoire, la Vérité que le monstre est venu chercher, pour comprendre qu'il s'en veut d'en être arrivé à souhaiter la mort de sa mère. Pas parce qu'il veut qu'elle meure, mais parce qu'il veut que leur calvaire se termine. Ne plus avoir à se demander si le prochain traitement sera le bon ou si chaque jour n'est qu'un sursis de plus. Les fans de la série Supernatural pourraient comparer cet état d'esprirt à celui de Gabriel pendant l'Apocalypse. Enfin, la mort de la mère de Conor est une scène particulièrement belle. C'est d'autant plus triste que comme Conor, j'y ai cru sans y croire. Je me doutais que sa mère allait mourir dès le début de ma lecture mais j'ai espéré un miracle jusqu'au bout, en particulier quand on a évoqué le traitement à base d'if. Mais le monstre n'était pas venu pour elle. La récurrence de 12h07 laissait entendre que cette heure précise aurait une signification particulière, surtout que c'était l'heure de la fin du cauchemar, donc l'heure à laquelle Conor lâchait les mains de sa mère. Bon, je vais être honnête, j'ai pleuré comme une madeleine. Parce que j'ai trouvé la fin magnifique, avec Conor qui savait qu'il lui restait 21 minutes à tenir sa mère dans ses bras, avec la conversation qu'ils avaient eue un peu avant, avec le monstre qui reste pour soutenir Conor jusqu'à la fin, avec sa grand-mère qui laissait enfin voir à quel point elle avait du chagrin, ... C'était très triste mais aussi tellement beau. Bref, j'arrête là sinon je vais recommencer à pleurer. Pour résumer, c'est un livre magnifique que je suis très heureuse d'avoir découvert. Et pour ceux qui se posent la question, oui, j'ai regardé Class, et j'aime bien. Donc double bravo pour Patrick Ness. AdaptationEn cherchant quelques infos sur le livre, j'ai appris qu'un film allait sortir en France le 4 Janvier 2017. C'est vraiment bien tombé. J'ai hâte d'aller le voir! Ma note Je vais donner 9/10. C'est superbe, c'est émouvant, c'est très bien écrit et je pense que quiconque a un jour perdu une personne chère sera touché en plein cœur. Le mois prochain Je vais enfin tenter Aristote et Dante découvrent les secrets de l'univers, de Benjamin Alire Saenz.
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