Je ne me souviens pas de comment Red Rising est arrivé sur ma Wishlist, pour être honnête. Mais ça avait l'air vraiment cool et je suis tombée dessus à la Fnac, alors je l'ai emmené. Je suis perplexe. C'était bien, mais ça m'a laissée un peu froide. Je suis loin des fans complètement conquis que j'ai pu voir sur Goodreads. Mon principal problème, c'est Eo. Parce que tout découle de son exécution injuste (c'est pas un spoiler, ça arrive au début), mais sa mort ne m'a fait ni chaud ni froid. On en fait une martyre, Darrow accepte de renverser la société en son honneur, tout vient d'elle, mais je n'ai pas pu sympathiser à la cause parce que je n'ai pas ressenti le sentiment d'injustice que sa mort était sensée provoquer. J'ai honnêtement été plus choquée que Darrow ne remporte pas le laurier que par sa mort à elle. Parce que le laurier, c'était une vraie surprise. On savait que Darrow le méritait, il anticipait sa victoire et on l'attendait avec lui et gros coup de massue: il n'a pas gagné. Et on comprend que le système est ainsi fait qu'il ne gagnera jamais. C'est injuste. C'est dégueulasse. Et ça, ça m'a mise en rogne. Eo, par contre, doit avoir deux scènes pendant lesquelles Darrow répète qu'elle est parfaite sans qu'on ne voie rien qui aille dans ce sens, elle déblatère son couplet "on n'est que des esclaves" et elle clamse. Désolée mais j'ai besoin de plus. En quoi était-elle importante pour la communauté? Mystère. Darrow nous dit que c'est une tragédie mais comment est-ce que je pourrais ressentir sa peine, moi qui ne l'ai connue que deux scènes pendant lesquelles elle ne s'est pas du tout illustrée? Première règle d'écriture: il faut montrer, pas dire. Et c'est exactement le problème que j'ai eu avec Eo. On me dit que sa mort est tragique, mais on ne me le montre pas vraiment. Donc je ne le ressens pas. Et chaque pensée que Darrow a pour elle me laisse de glace. Autre souci: dans le premier tiers, Darrow fait plutôt de l'introspection. Il pense beaucoup à Eo et n'a que peu d'interactions avec les autres personnages, ce qui fait qu'en plus de ne pas vraiment m'intéresser, les personnages secondaires comme Danseur et Harmonie me paraissent très plats. J'ai besoin de dialogues pour cerner le caractère d'un personnage et je n'en avais que très peu. Du coup, j'ai trouvé le premier tiers du roman plutôt ennuyeux. Je voyais les évènements se succéder, je suivais l'action, mais comme si je les voyais à la télé au lieu de les vivre. J'avais l'impression d'être tenue à distance, d'une certaine manière, et cette impression ne s'est dissipée qu'une fois arrivée à l'Institut, où on a commencé à avoir des interactions avec d'autres personnages plus vivaces, comme Cassius, puis Sevro, et Mustang. Donc j'ai trouvé le premier tiers très sec et pas très engageant. J'ai tenu bon parce que les critiques certifiaient que ça devenait meilleur une fois cette partie du livre passée, mais sans le savoir à l'avance, j'aurais pu lâcher l'affaire par manque d'intérêt. Niveau univers, on est sur Mars, dans une société hiérarchisées en fonction des couleurs attribuées aux fonctions des gens. Heureusement on a un schéma de la hiérarchie au début du roman: C'est impressionnant comme ça, mais on n'a pas plus de la moitié des couleurs qui interviennent réellement dans le roman, donc retenez les classes du troisième cadre et que les Ors sont tout en haut, c'est suffisant. L'univers est cohérent, même si j'aurais aimé qu'on passe un peu plus de temps sur la version qu'on raconte aux Rouges avant d'amener Darrow chez les Ors. Parce qu'Eo n'est pas la seule à avoir souffert de cette avance rapide, on n'a pas vraiment le temps de découvrir le monde à travers les yeux de Darrow et donc d'être surpris quand Danseur lui révèle ce qui se passe vraiment. La comparaison avec The Hunger Games crève les yeux. L'intrigue est structurée sur un principe similaire: évènement traumatique qui jette le héros dans la résistance malgré lui => préparation à la grande épreuve où le héros "underdog" devra tuer d'autres candidats beaucoup plus légitimes => jeu absolument dégueulasse dont le héros sortira (évidemment) victorieux d'une manière ou d'une autre. Des détails plus spécifiques de l'histoire peuvent aussi être rapprochés de The Hunger Games, comme la chanson interdite (la chanson du pendu vs celle du faucheur), les prénoms inspirés de la Rome antique (Seneca, Plutarque, César ou Cinna vs Cassius, Nero, Augustus ou Tiberius), ... Quelque part, Red Rising est ce que The Hunger Games aurait pu être si Katniss avait décidé d'intégrer les tributs de carrière pour détruire le système au lieu de se contenter de survivre et devenir un symbole malgré elle. De ce fait, j'ai eu beaucoup de mal à apprécier Darrow. Quelque chose me bloque dans mon appréciation du personnage, et plus j'y pense, plus je me dis que c'est son âge. Darrow a 16 ans, mais il pense comme un véritable adulte, pas comme un adolescent. Certes, il est un peu plus tête brûlée que les autres et sa vie a fait qu'il a dû grandir rapidement, mais ses réflexions ne me paraissent pas réalistes dans la tête d'un ado, en particulier vu qu'il se révèle brillant stratège. J'ai aussi eu du mal à lui trouver une véritable personnalité. Et plus tard, quand enfin il se révèle, il est froid. Il ne laisse voir aucune réelle vulnérabilité qui pourrait susciter un peu d'émotion chez le lecteur, il est devenu une machine à tuer implacable et s'il lui arrive d'éprouver un peu de remord, on ne ressent pas vraiment de peur. Darrow manque d'humanité et si je comprends sur le plan intellectuel, du point de vue attachement, ça ne passe pas. Attention spoilers! Le principe du jeu de "capture le drapeau" est totalement à sa place. Au début, j'ai chouiné parce que Percy Jackson et Divergente l'ont fait avant Red Rising, mais Roque met le doigt sur la légitimité du jeu: c'est une reproduction à plus petite échelle de ce qui a mené à l'ascension des Ors et à l'établissement des couleurs. La démocratie est chaotique, l'ordre ne s'acquiert qu'à travers la tyrannie. Le jeu entier est truffé de ce genre de leçons, comme celle des esclaves qui n'aiment pas être des esclaves, que Darrow comprend à cause du laurier. Le concept a clairement été minutieusement créé et c'est un excellent point à mettre au crédit de Brown. Il savait où il allait. J'ai terminé le livre avec l'impression que c'est un Hunger Games en plus sombre. J'ai déjà mentionné la différence principale, à savoir le comportement du personnage principal, mais Red Rising va plus loin dans la démonstration. On a des viols (c'est dit explicitement mais pas montré), de la torture, des meurtres de sang froid commis par le personnage principal et/ou ses amis. Darrow est sans pitié, et comme je n'ai pas vraiment été convaincue par ses raisons (renverser le système pour Eo, alors que je n'ai ni vu le traitement vraiment immonde des Rouges, ni compati à la mort d'Eo), fatalement, je n'ai pas eu de sympathie envers ses actions. Je les comprends d'un point de vue intellectuel mais je n'arrive pas à les justifier en me projetant à sa place. C'est le même souci avec Titus, il y avait possibilité de lui donner un peu de complexité, mais ça a été balancé en express et on l'a achevé. Je n'ai rien contre les personnages sombres, mais là, il n'y avait pas de réelle raison. Enfin, si, mais je ne la ressentais pas. Darrow veut gagner, point. Je me suis même demandée si maintenant qu'il était devenu un Or, il ne jetterait pas le plan d'origine aux orties tellement il semblait dans son élément, dans la Maison de Mars. Je me suis un peu lassée de l'aspect stratégique du jeu. Je sais que c'était le but mais je ne peux juste pas m'intéresser à des stratégies militaires pendant autant de pages. Au bout d'un moment, j'ai envie qu'on avance concrètement dans l'intrigue, à savoir la contestation de la société. Au lieu de ça, j'ai eu l'impression de regarder une partie d'échecs particulièrement longue et très franchement, même si j'apprécie d'y jouer de temps en temps, je n'ai jamais trouvé les échecs très fascinants à regarder. Encore une fois, je comprends l'intérêt de montrer les Ors comme des gens impitoyables et calculateurs, mais l'addition de personnages "anti-Ors" comme Sevro, Titus et en particulier Darrow aurait dû apporter un peu de fêlure humaine au milieu de cet océan de technique. J'espérais plus d'émotion et moins de mécanique. J'ai aussi été surprise de voir les Ors aussi vulgaires que les Rouges. J'aurais cru que des gens qui laissent 20% de leur nourriture dans leur assiette pour prouver qu'ils savent se contrôler ne seraient pas aussi friands de scatologie. C'est assez impressionnant. On a des remarques du genre "tu as déjà chié des crottes plus grosses que lui" (p.433), ils se font pipi dessus, ou sur les étendards d'autres maisons, ils font caca dans les puits et les rivières pour les empoisonner, remontent des tuyaux d'excréments pour s'introduire dans un château, s'insultent en se traitant de merdes, ... J'avoue ne pas avoir bien saisi la fascination de l'auteur pour les déchets corporels. Dans le langage des Rouges, considérés comme une classe basse, OK, je comprends. Ils s'en fichent, de parler élégamment, ils n'ont personne à impressionner. Mais je m'attendais à plus de retenue chez les Ors. Pour résumer, je pense que pour ceux qui réussissent à s'attacher suffisamment à Eo pour souffrir de sa perte, c'est un excellent roman. Pour les autres, c'est sympa mais sans plus. Malheureusement pour moi, je fais partie de la seconde catégorie, donc c'était pas mal une fois le premier tiers passé, mais ça ne me marquera pas sur le long terme. Ma note 6.5/10. C'est un bon roman et le principe est top mais j'ai trouvé que l'auteur consacrait son attention aux mauvais endroits et c'était trop clinique pour me plaire. Je ne pense pas lire la suite. Le mois prochain J'ai commencé The Female of the Species, de Mindy McGinnis, et j'ai un super pressentiment, donc ce sera celui-là.
0 Commentaires
Laisser une réponse. |
Prochains articles:
White Smoke, de Tiffany D. Jackson.
Nos Jours Brûlés, de Laura Nsafou, en lecture commune avec:
Cadeau Muhayimana Moune La Booktillaise pour le Café Lithéraire Oddball, de Sarah Andersen.
Exemplaire numérique envoyé par Andrews McMeel Publishing (merci à eux!) Catégories
Tous
Archives
Décembre 2022
|