Victoria Schwab fait partie de ces auteurs qui ont écrit une saga qui a super bien marché et dont, fatalement, on ne peut pas ignorer le nom quand on fréquente les rayons Young Adult anglo-saxons. C'est à force d'entendre vanter A Darker Shade of Magic que j'ai eu envie de la découvrir. J'ai donc choisi le seul de ses romans qui ne fait pas partie d'une saga et je me le suis commandé pour Noël. Environ une semaine avant d'apprendre qu'une trilogie est prévue et que le second tome, Vengeful, sera publié en Octobre cette année. Parce que l'univers aime se payer ma tête. J'ai attendu un livre comme celui-ci pendant tellement longtemps, vous avez même pas idée. Je suis impressionnée. Le livre est séparé en deux parties, la première où on suit Victor, la seconde où Eli apparait. J'ai chouiné, au moment de changer, parce que j'étais très contente de suivre Victor et son équipe, mais c'est très intelligent et surtout, ça permet de percuter qu'aucun des deux n'est bon. Et même pas façon Batman, un peu torturé et pas toujours très moral, ils sont tous les deux carrément mauvais. Et confronter leur point de vue montre à quel point notre perception de nous-mêmes peut être différente de celle des autres. La relation entre Eli et Victor m'a vaguement rappelé celle de Will Graham et Hannibal Lecter dans la série de Fuller. D'une certaine manière, c'était toxique dès le début. On sent clairement le danger chez Victor, alors que chez Eli, on ne le voit que parce que Victor le remarque. Il a senti la faille derrière le masque affable, il a reconnu ce qu'il pense être une âme sœur. Aucun des deux n'est vraiment mauvais au départ mais ils sont prêts à basculer. ça se sent, en particulier chez Victor, probablement parce qu'au moment où on apprend ce qui s'est passé, c'est par son regard à lui. On sent le monstre qui rôde sous le masque humain, comme un animal sous-marin qui fait onduler la surface de l'eau à chaque mouvement. Il peut sombrer à tout moment. Chez Eli, c'est plus discret. On remarque des petites choses ça et là, mais vu qu'on n'a pas encore son point de vue, on ne peut que deviner ce qui se trame de son côté. C'est rafraichissant de voir un roman présenter des personnages explicitement mauvais comme protagonistes. C'est audacieux, d'autant plus qu'ils sont vraiment axés sur la vengeance plutôt que sur la rédemption. Je me demande si Victoria Schwab a fait des études, ou au moins pas mal de recherches, en psychologie, parce que non seulement le procédé de création des EO est plutôt scientifique, mais aussi je trouve que Vicious en général est une bonne exploration de la conséquence d'un trauma sur une personne. Certes, dans notre monde, on ne devient pas un superhéros en cas d'EMI, mais un traumatisme, comme une agression, change une personne. Les possibilités de changement sont infinies, ici, le changement dépend de la dernière pensée formulée avant de mourir. Mais dans la réalité aussi, les gens réagissent de manière très différente à un traumatisme et j'ai trouvé que c'était une idée très ingénieuse d'attribuer les pouvoirs des personnages en fonction de ça. Au niveau des personnages secondaires, je n'ai que peu de sympathie pour le camp d'Eli, principalement parce que je n'accepte pas le fanatisme quel qu'il soit. Serena est en plus partie sur une très mauvaise base grâce à la version de Sydney, même si ses actes sont expliqués plus tard, et son pouvoir est extrêmement problématique. Mais comme Eli, elle a beau le savoir, elle s'en sert. En revanche, j'ai une affection particulière pour Mitch, Sydney et Dol, que j'ai trouvés très attachants. Ils ne sont pas spécialement mauvais, mais ils ont été victimes de circonstances défavorables et se sont retrouvés avec Victor par hasard, pas par choix. Serena, elle, a choisi d'épauler Eli dans sa croisade meurtrière, donc à mes yeux, elle ne méritait pas plus de sympathie que lui. Spoilers!C'est probablement voulu par l'auteure, mais je préfère Victor à Eli. Victor est un monstre qui sait qu'il en est un. Eli s'est persuadé qu'il valait mieux que les autres et utilise cette croyance pour justifier absolument tout, même le meurtre de personnes innocentes juste parce qu'elles peuvent lui nuire (comme le concierge, mort pour lui avoir ouvert une porte). Victor a une méthode qui s'explique. Pour lui, la fin justifie les moyens, et les gens comme Dale sont des dommages collatéraux nécessaires. Eli, quant à lui, n'hésite pas à tuer pour protéger ses propres fesses. C'est étrange de dire que j'en préfère un alors qu'ils sont tous les deux des hommes en mission prêts à tout pour y arriver, mais le fanatisme d'Eli contraste avec la froideur calculée de Victor. Et comme je ne partage pas l'idée de départ d'Eli, à savoir qu'un EO est forcément mauvais, je ne peux pas accepter son point de vue parce que je pense sincèrement que son raisonnement se base sur une erreur de jugement. Pareil pour Angie. Au moment où Angie est arrivée, je savais qu'elle allait mourir, que ce serait à cause de Victor et que ce serait l'élément déclencheur de toute l'histoire. Plus que leur EMI, c'est ce traumatisme particulier qui lance Eli et Victor sur le chemin qu'ils suivent au moment présent et qui a fait d'eux ce qu'ils sont devenus. Eli n'a pas supporté la mort d'Angie par la faute d'un EO. Victor n'a jamais pardonné la trahison d'Eli à ce sujet. Mais là encore, ma sympathie va à Victor. C'était un accident. Un accident qui est arrivé parce que Victor a merdé, concrètement, et je le considère bien comme responsable, mais il n'avait aucune intention de faire du mal à Angie. Eli, lui, décide de tuer. Je ne doute pas que Victor aurait fini par péter un plomb à cause de son nouveau pouvoir et j'aurais compris qu'Eli ne veuille plus jamais avoir affaire à lui, mais je trouve qu'il aurait dû l'écouter avant de le livrer aux fédéraux. Faire des acolytes des sœurs offrait un bon parallèle avec Eli et Victor. Deux sœurs, l'une presque vaniteuse par rapport à sa propre capacité mais terrifiée par celle de l'autre au point de la trahir. Sydney et Victor, victimes de la trahison de la personne en qui ils avaient le plus confiance, contre Eli et Serena, des revenants qui maudissent leur propre nature et tous ceux qui la partagent. J'ai trouvé que c'était très à propos. J'apprécie aussi le fait que le roman ait une conclusion satisfaisante au lieu d'un cliffhanger qui m'aurait laissée sur ma faim à attendre la suite. Je n'ai rien contre les séries, même si je m'en suis un peu dégoûtée, mais j'estime qu'un livre doit avoir une intrigue à part entière, même s'il s'inscrit dans un arc plus grand. C'est bien le cas de Vicious, qui a un début et une fin. Et quelle fin! Ce parallèle avec le début, avec Eli en prison à la place de Victor et Victor qui disparait de la circulation, c'était brillant. J'ai eu très peur pour Mitch, mon cœur a raté un battement à chaque tentative de meurtre, par contre je pensais qu'Eli serait celui qui tuerait Serena. Et finalement, tous mes préférés s'en sortent, même le chien. Soulagement intense, parce que c'était pas gagné. Faut dire qu'avoir une nécromancienne sous la main, ça doit être pratique. Je suis très curieuse de savoir comment la capacité spéciale de Sydney va affecter Victor, et comment Eli compte se venger. Je suis très contente de l'avoir lu, et j'attends le tome suivant, Vengeful (titre alléchant!), avec impatience! Ma note Un bon 9/10. J'aurais préféré un fanatisme autre que religieux, qui m'aurait permis de soutenir Eli aussi, mais à part ça, c'est brillant. Je suis curieuse de lire la suite. Le mois prochain Pour saluer sa sortie en français ce mois-ci, j'ai choisi Libération, de Patrick Ness. Quelques Minutes après minuit m'avait mise à genoux, donc j'ai hâte de savoir ce que Ness a d'autre dans sa bibliographie.
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