Je reconnais que j'avais hâte d'arriver à la fin de mon mini challenge pour m'attaquer à celui-ci. Je l'avais trouvé au détour d'une liste Goodreads quand je cherchais un livre d'un auteur australien et j'aimais beaucoup l'idée. En plus, c'est un premier roman, le livre n'avait pas l'air très connu en-dehors de son pays d'origine et je vis pour les pépites cachées, donc je n'ai pas été difficile à tenter. Dans l'ensemble, je suis plutôt déçue, finalement. J'attendais plus sanglant, plus effrayant, plus lugubre. On m'a promis un conte de fées gothique et tordu, mais finalement, j'ai trouvé que c'était encore trop féérique pour avoir quelque chose de vraiment satisfaisant. Avant de commencer, je signale que j'ai fini par trouver une analyse pour enseignant qui explique plusieurs points que j'ai remarqués et dont je mentionnerai quelques infos qui me semblent pertinentes dans ma critique. Déjà, accrochez-vous dès le début parce que vous n'allez RIEN piger. J'ai eu beaucoup de mal à entrer dans le livre parce que je ne comprenais rien à rien, c'était extrêmement frustrant. J'ai recommencé au début plusieurs fois avant de me dire "tant pis, ce sera peut-être expliqué plus tard" et de naviguer à peu près entre les métaphores perchées et les sous entendus pas très clairs. En plus, le paragraphe sur l'auteure précise qu'elle écrit des contes déstructurés, ben je vous garantis qu'ils ne disent pas ça en l'air. Miss Near semble adorer mélanger les genre, ce qui fait vite un peu fouillis quand les dramatis personae s'invitent dans la narration pour présenter rapidement les nouveaux personnages, et surtout, les flashbacks sont partout sous forme d'interludes (ou pas). Je trouve ça un peu rebutant dans un livre, j'ai même été tentée d'abandonner et de passer directement au livre suivant de ma PAL parce que je suis désolée, mais 400 pages et quelques de confusion, ça ne me faisait pas très envie. Je me suis accrochée, mais j'ai dû passer à côté de pas mal d'éléments et ça m'ennuie. Donc quelques infos rapides qui vous permettront de passer les 50-60 premières pages sans trop de souci de compréhension (mais sans trop de spoilers): - Isola est une adolescente de 16 ans qui voit les fantômes et les créatures magiques qui vivent dans le coin, et il y en a plein les bois. - ses frères-princes ne sont pas forcément des garçons. Trois sont des filles. Elle ne les appellent pas sœurs-princesses pour une raison précise qui est expliquée un peu plus loin dans le roman. Il y a deux fantômes, une sirène, une Furie, un humain et une fée. - sa mère semble avoir des troubles bipolaires. - au niveau références: Isola Wilde (d'où le jeu de mots du titre avec "wild"/"Wilde") est le nom de la petite sœur de l'auteur Oscar Wilde, Annabel Lee est une femme à qui Edgar Poe a écrit un poème d'amour, Alice Liddell est l'Alice qui a inspiré le roman de Lewis Carroll et Lileo Pardieu n'existe pas en-dehors du roman. Une fois qu'on a à peu près compris qui est qui, et surtout qui est quoi, c'est déjà plus compréhensible. Au niveau récit déstructuré, par contre, ça continue tout le long du roman, donc si c'est le genre de choses qui vous gâche la lecture, Fairytales for Wilde Girls n'est pas un livre pour vous. Les chapitres sont courts et s'enchainent rapidement, le point de vue change parfois, les flashbacks débarquent un peu n'importe où et même si le roman est divisé en cinq grandes parties à peu près égales, leur contenu ne me parait pas justifier ce découpage. Moi qui aime les belles structures harmonieuses, ça m'a bien désorientée. Je comprends qu'Isola soit un narrateur incertain et c'est un point de vue intéressant mais je trouve que ça entrave beaucoup l'avancée de l'intrigue et à quelques scènes près, j'avais l'impression de stagner complètement pendant les deux premières parties (donc presque 200 pages) tellement j'avais de retours en arrière à lire. Les scènes s'enchainent sans réelle logique, on est baladé d'un côté puis de l'autre et pendant ce temps-là, on n'avance pas. Ou très peu. Du coup, entre le gros morceau du début et celui de la fin (j'y reviendrai dans les spoilers), le roman m'a paru très long, surtout qu'au bout d'un moment, j'en avais ma claque d'Isola et de son égocentrisme. Parlons un peu d'Isola, justement. Notre personnage principal est une adolescente qui a le don de voir les créatures magiques autour d'elles. Faes, sirènes, licornes, fantômes, sorcières, ... Ils sont tous réels et Isola les voit parce que c'est une Enfant de Nimue. Elle est décrite comme jolie, avec un look plutôt grunge. Ses camarades de classe la trouvent étrange et se moquent d'elle, son voisin va même jusqu'à l'appeler "sorcière" parce qu'elle est différente des autres. On insiste sur ce point: Isola est différente. Sauf que je pense que 90% des gens se sont sentis tout aussi seuls, étranges et torturés à 16 ans, les amis fantômes en moins, donc je ne suis toujours pas convaincue par ce point. Pour moi, c'était juste une énième ado rebelle, sauf que celle-là voit des créatures magiques. J'ai même souri quand Edgar la compare à une Cendrillon en bottes de motard (je ne retrouve plus la page, évidemment...) parce que finalement, c'est tout ce que j'ai vu en elle. Une princesse de conte de fées qui n'a de différent que le style vestimentaire. Le style se veut poétique mais on tombe facilement dans le pompeux. C'est très onirique et c'est joli, mais certaines images vont trop loin dans l'originalité à mon goût. Le sang qui "épelle son nom" en coulant sur sa cuisse (j'ai perdu le numéro de page, désolée), sur son bras (p.348) ou encore sur le sol de la baignoire (p.380) pourrait me servir d'exemple. C'est bien de se démarquer, mais encore faut-il que ça reste naturel et j'ai du mal à voir en quoi le sang qui coule peut épeler un nom, même si c'est une métaphore, ce qui n'aide pas à se représenter la scène. L'expression "trying too hard" me venait souvent en tête tellement ça me paraissait forcé. C'est apparemment fait exprès, dixit l'auteur dans l'analyse mentionnée en début d'article, pour ressembler à la "purple prose" typique des contes européens. Ben je ne sais pas quels contes elle a lus parce que j'en ai étudié pas mal au lycée et à la fac, et ça ne m'avait jamais fait cet effet-là. Ou alors c'est le fait de l'appliquer sur un récit de plus de 400 pages qui m'a vraiment filé le tournis, je ne sais pas. En tout cas, ce style trop sophistiqué a eu un effet secondaire pas génial: j'avais l'impression qu'on ne voulait pas me laisser entrer. Déjà que la structure me perdait en route et que ça n'avançait pas, je devais en plus batailler avec les mots pour avoir accès à ce qui se passait et j'en suis navrée, mais 420 pages comme ça, c'est juste exténuant. J'attire l'attention sur les illustrations de Courtney Brims, qui a aussi dessiné la couverture. Je les trouve superbes et parfaitement adaptés au roman. Je vous montre Ruslana et Christobelle: Les contes de Lileo Pardieu insérés dans le roman sont intrigants, mais le premier m'a complètement rebutée à cause de la manière dont il a été écrit. J'avais l'impression de lire les notes de brouillon de l'auteure plutôt qu'un conte et ça m'a fait tiquer. J'aime l'idée, j'aime ce que ces contes racontent, mais je déteste le format du premier. Heureusement, c'était un "accident" isolé et les autres étaient moins étranges à lire. Donc on a trois contes insérés dans le roman. Honnêtement j'en espérais plus, et à part celui de la septième princesse, je les trouve plutôt mal intégrés. D'autres histoires, qui ne sont pas écrits comme des contes ou juste pas présents dans le livre, m'ont beaucoup plu, par contre, comme The Bloodpearl Mermaid, l'histoire de Christobelle (l'auteure confirme qu'il s'agissait d'un conte à l'origine), et l'histoire de la princesse emprisonnée dans une cage à oiseaux pour chanter jusqu'à sa mort. Là, on avait du sombre et du tordu. C'était ça, que j'attendais du roman. En route pour les spoilers. Enfin, l'action se lance vraiment vers la fin de la seconde partie. C'est là que les princes commencent à disparaitre un à un, du plus récent au plus ancien. Chaque disparition est liée à une partie d'un conte: un des frères de la princesse est emporté par un dragon. - Silence, le premier dragon, emporte Grandpa Furlong, le musicien et bavard. (p.178) - Treachery, le second, emporte Rosekin, la fée, le frère confiant. (p.215) - Cruelty emmène Christobelle, la sirène, l'honnête et bon. (p.239) - Anger emmène Ruslana, la Furie, le calme et déterminé. (p.250) - Hatred éloigne James, le seul humain, l'aimant. (p.261) - et enfin Desertion emporte Alejandro, le courageux. (p.295) Laissant donc la princesse face au dernier dragon: Loneliness (p.324). Le parallèle entre Isola et la princesse du conte est plus qu'évident et même si ça manque de subtilité, j'aime l'idée de superposer les deux histoires. Je trouve que ça marche très bien avec le thème du roman. Donc les princes disparaissent, chacun enlevé par le dragon qui symbolise l'inverse de leur nature. Et une fois que les princes sont partis, Bunny arrive. Donc, environ après deux tiers du livre. C'est dommage, je l'aimais bien. Et si on était partis sur un concept Alice aux pays des Merveilles sous acide (enfin, encore plus que l'original et version bad trip), le lapin était un peu important. Limite, j'aurais fait de lui le deuxième prince à la place de James parce que je le trouve beaucoup plus intéressant. Et j'ai trouvé que la partie avec Bunny servait surtout à rallonger la sauce et retarder une attaque de Florence, ce qui me plaisait beaucoup moins. La romance avec Edgar est un peu vendue dès le départ, ne serait-ce que par la référence à Edgar Poe et son poème Annabel Lee à la page 11. PAGE ONZE, quoi. Isola dit qu'Edgar lui rappelle Edgar Poe et quand il lui demande son nom à elle, elle donne celui de la femme à qui il a dédié son dernier poème d'amour? Subtil. Par contre, mon souci principal avec Edgar, et en fait avec James aussi, c'est qu'il n'intervient pas dans l'intrigue principale. Edgar est un love interest dès le début, pourquoi pas, mais James est un prince et il ne sert à RIEN à part se faire éconduire par Isola. La bonne nouvelle, c'est que le triangle amoureux est carrément en sourdine, la mauvaise, c'est que du coup, on se demande bien à quoi ils sont sensés servir. Ceci dit, Grape et le père d'Isola souffrent un peu du même problème et je pense que c'est parce qu'ils sont humains et "normaux" (comprendre "pas des enfants de Nimue"). Isola vit complètement hors de la réalité et c'est aussi un point qui me dérange parce que du coup, on n'a pas d'équilibre entre les deux mondes. Les parallèles que j'ai évoqués ne fonctionnent que du conte à la vie "magique" d'Isola et à aucun moment la réalité n'est incluse dans l'intrigue. On n'a pas d'ancrage autre que les quelques personnages humains et comme ils n'interviennent pas du tout dans l'intrigue principale, le monde réel est presque invisible. Je l'ai compris comme une manière d'insister sur le fait qu'Isola n'y a pas sa place parce qu'elle appartient au monde des fées, mais dans ce cas, autant lui enlever ses amis et son petit ami, vu que de toute façon, leur présence est complètement superflue dans l'histoire. Et je pense que c'est aussi en partie ce qui fait que j'ai trouvé Isola si ordinaire. Dans le monde réel, elle EST spéciale à cause de son don et j'aurais pu m'attacher à elle. Mais dès qu'on accepte le monde féérique comme étant normal, Isola n'a rien de plus intéressant que les autres personnages. Donc pour moi, ça ne marche pas et ça me fait doucement rigoler de lire dans l'analyse que l'auteure a fait exprès de transposer le conte de fées dans le monde réel, parce qu'à mes yeux, elle a complètement foiré de ce côté-là. C'est dommage, parce que toute la symbolique de Florence étant borgne et cherchant à faire subir le même sort à Isola était pour moi une manière de la rendre aveugle à cette moitié du monde, donc ça suggérait qu'elle ne l'était pas au départ. Mais à aucun moment je n'ai eu vraiment l'impression d'être dans le monde réel. Le monde féérique prenait toute la place. Et enfin, le fameux plot twist. Alors, je vais le diviser en deux paragraphes parce qu'il concerne deux personnages. D'abord, Florence s'avère être un "split", le fantôme d'une partie d'Isola qui est morte quand sa mère s'est suicidée. Je le comprends, c'était une bonne idée de faire d'elle un split, mais une version d'Isola? Je l'ai vu venir à des kilomètres. Je vais même vous dire: au lycée, j'ai écrit une histoire avec exactement le même principe (vu comme j'écrivais à l'époque, j'ai préféré la brûler par respect pour la littérature...) alors dès le moment où les bleus en forme de bas rayés ont commencé à apparaitre sur les jambes d'Isola, j'ai compris tout de suite ce qui se passait et qui était Florence. Je ne voyais pas le rapport avec l'histoire de sa mort, mais vu que finalement, on apprend que c'était un des contes qu'on ne m'avait pas racontés, je ne risquais pas de flairer ça. D'ailleurs c'est bien dommage. Du côté de sa mère, par contre, j'ai été plus surprise. J'avais compris pour Lileo Pardieu. Disons qu'on ne peut me répéter que la mère racontait les histoires de tête qu'un certain nombre de fois avant que ça ne fasse tilt. En revanche, je la croyais bipolaire, pas morte. J'avoue que ça, ça m'a surprise, et je trouve le principe vachement cool. L'idée que tout ce qui se passait venait du fait qu'Isola n'arrivait pas à faire le deuil de sa mère était géniale. Mais il y a deux inconvénients: - Il me semble qu'Isola avait pris rendez-vous avec le Dr Aziz pour sa mère et je ne comprends pas trop comment, si sa mère est morte. J'ai voulu relire le passage mais pas moyen de remettre la main dessus. Là, le côté déstructuré m'a vraiment posé problème. - Je trouve que cette idée aurait dû être la principale du roman mais les quelques scènes d'Isola avec sa mère sont noyées entre les flashbacks et les scènes d'Isola avec les princes. En fait, je trouve qu'on revient trop souvent sur les princes et sur Florence pour laisser suffisamment de place à l'intrigue avec sa mère (exactement comme avec le monde réel, d'ailleurs) et ça me chagrine parce que c'est l'axe qui me paraissait avoir le plus de potentiel. Sans parler du fait que du coup, ça a nécessité plusieurs dizaines de pages d'explications et arrivée là, j'en avais vraiment ma claque des pauses narratives. Alors que si ça avait été amené plus progressivement, ce serait probablement mieux passé. Et ENFIN, j'ai refermé le roman. J'ai terminé ma lecture épuisée. Le principe était sympa et l'intrigue avait beaucoup de potentiel mais je trouve que ça manque d'équilibre et de la noirceur promise. En plus, je n'accroche pas du tout à ce style d'écriture. Je ne lirai probablement pas le prochain roman de Miss Near, mais je pense qu'elle n'aura aucune difficulté à trouver son public. Ma note4/10. Il y avait du potentiel, mais ce n'était pas ce que j'attendais, ça partait dans tous les sens sauf là où je voulais et le style pompeux m'a gênée dans ma lecture. Pas pour moi. Le mois prochain Sur recommandation de Goodreads, je me lance dans When Dimple met Rishi, de Sandhya Menon, une comédie romantique avec une histoire de mariage arrangé. Encore un livre pas traduit, désolée!
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