J'ai longtemps hésité à l'idée de le lire, celui-là. J'adorais lire Dan Brown au lycée, au moment de la folie Da Vinci Code, et j'avais dévoré ses romans. Jusqu'à quelques années plus tard, quand j'ai été profondément déçue par le Symbole perdu. En plus, c'est le moment où je suis tombée dans la bit-lit, ce qui fait que quand Inferno est sorti, je ne m'y suis pas vraiment intéressée. J'y ai repensé quand j'ai su qu'un film était en préparation et j'ai finalement (et craintivement) décidé de lui laisser une chance. Inferno est donc le quatrième roman mettant en scène le professeur Robert Langdon. Je tiens aussi à préciser que je n'ai pas lu l'Inferno de Dante (il est dans ma PAL), j'ai juste cherché des infos en ligne quand je me suis rendu compte que ce serait utile à la compréhension du livre de Brown. J'avais oublié à quel point tous les romans de Dan Brown se ressemblaient. La fin de l'Humanité, les sociétés secrètes, les anagrammes liées aux œuvres d'art, le héros poursuivi par les autorités et/ou un assassin, une arme destructrice cachée qu'on voit sur une vidéo, ... Quelque part, ça explique pourquoi j'ai tellement aimé les premiers alors que j'ai détesté le Symbole perdu. Anges et Démons et Da Vinci Code avaient l'attrait de la nouveauté. Deception Point et Forteresse digitale avaient d'autres protagonistes, même si j'avais commencé à discerner un schéma. Mais arrivée au cinquième, puis sixième livre, ça ne me suffit plus. Je pense que c'est mon principal grief avec ce livre. Encore une fois, Dan Brown n'a pas su sortir de sa zone de confort pour proposer quelque chose de neuf. Je comprends parfaitement que ces intrigues sont son créneau favori, mais malgré toute sa passion et ses recherches, il réécrit quasiment le même livre à chaque fois. Alors certes, ça marche pour lui, vu que ses livres sont des best-sellers et que pas mal de gens s'y retrouvent, mais je pense que littérairement parlant, quand on voit de nombreux sites décrire la "Dan Brown formula", il est temps d'innover. Mais OK, admettons que ce soit mon premier Dan Brown, je laisse de côté tous ses livres précédents et je me concentre sur Inferno et Inferno uniquement. Inferno n'a aucune structure. On a des chapitres de quelques pages, ce dont je ne vois pas l'intérêt (littéraire, s'entend, parce que pour l'aspect pratique, j'imagine que lire deux ou trois pages entre deux bus pourrait être le but recherché), alors qu'on a un livre sur le thème de l'Inferno de Dante. Une œuvre qui divise une progression en neuf étapes bien précises. ET DAN BROWN N'A MÊME PAS L’IDÉE DE S'EN SERVIR. Imaginez le parallèle qu'il aurait pu faire, déjà en structure, mais aussi en matière de codes et d'énigmes avec les thèmes des différents cercles et tout. Mais non. On a une longue succession de chapitres (une bonne centaine) dont je n'ai pas vu la logique. Pas de squelette, pas d'équilibre, rien. Dan Brown ne sait pas structurer son intrigue, ou pire, il n'en voit carrément pas l'intérêt. Donc ça commence mal. Il a aussi un gros problème d'infodumping. Vraiment. Je vois bien qu'il essaye de nous donner des informations qu'il estime importantes et/ou intéressantes, même si leur pertinence est souvent discutable, mais en plus il coupe le récit pour nous les donner à la façon d'un documentaire. Pareil pour les références. C'est directement dans le texte sans véritable justification, comme "la jeune femme venait de citer Robert Oppenheimer" (p.62), explication visiblement destinée au lecteur et qui n'a rien à faire là. Soit il l'intègre correctement, comme la scène où Langdon donne une conférence sur l'Inferno, que j'ai trouvée plutôt sympa même si mal placée parce qu'elle coupe le rythme, soit il met tout ça en note de bas de page. Sans blague, je suis même tombée sur un chapitre ENTIER qui racontait l'histoire d'un monument alors que les personnages sont poursuivis de partout. C'est trop et à ce moment précis, on s'en fiche. On est dans un thriller, Langdon et Sienna sont sur le point de se faire rattraper, ce n'est pas le moment de nous faire un cours d'architecture. Mieux vaudrait se limiter aux informations pertinentes pour l'intrigue ET les intégrer plus naturellement au récit pour ne pas détruire l'élan de la course-poursuite. En plus, ça permettrait au lecteur de continuer le récit en ignorant la note s'il sait déjà de quoi ça parle. Tant que je suis sur les notes de bas de page, traduire les dialogues en Italien, ça, ça aurait été utile. Parce que je ne parle pas Italien, moi. Langdon a des bases, semble-t-il, vu qu'il a l'air de comprendre ce qu'on lui dit et s'exprime correctement, mais les miennes sont franchement succinctes. Et encore une fois, les quelques malheureuses fois où l'Italien est traduit, c'est dans le récit, façon ""bla bla bla", Machine venait de dire que". Pourquoi? Le lecteur n'est pas dans le récit, ce n'est pas aux personnages de s'adresser à lui ou à lui donner des explications, c'est à l'auteur de le faire. C'est le même problème qu'avec les références. On traduit en note. Ou on met directement en français, mais je trouve ça moins sympa, personnellement. Après tout, ça se passe en Italie. Je ne peux pas dire que je suis une grande fan du procédé qui consiste à changer de point de vue à quasiment chaque scène. Les changements trop fréquents et trop rapides sont pour moi signe que le livre a été écrit comme un film/pour en faire un film. C'est le cas d'Inferno. Des chapitres courts qui correspondent souvent à des scènes (ah, c'est peut-être ça, l'intérêt, alors?), qui se terminent tous sur un mini cliffhanger, histoire de faire penser au lecteur "allez, encore un chapitre, de toute façon, ils font cinq pages" et qui, je pense, se traduiraient très bien à l'écran. Dans un roman, je préfère généralement me fixer sur le point de vue interne du personnage principal, mais pourquoi pas. Si c'est bien fait, deux ou trois points de vue peuvent rendre l'histoire plus intéressante. Là, on a beaucoup de personnages qui servent surtout aux flash backs, donc à encore couper le récit. Niveau personnages, est-ce utile que je présente Robert Langdon? Mélange de Dan Brown lui-même et de James Bond, gadgets high-tech et James Bond Girls inclus, avec une mémoire eidétique, une culture plus vaste que Wikipedia et l'ego qui va avec. Il sait tout sur tout et ne perd pas une occasion d'en faire la démonstration, ni de souligner qu'il sait plus de choses que Sienna avec ses 208 points de Q.I. au point que je me demandais comment il passait les portes avec un melon pareil. Du coup j'ai ri quand un personnage a mentionné qu'il était censé être "la modestie même". Notre héros passe son temps à étaler sa grande connaissance de tout et n'importe quoi, à trouver des passages secrets partout, à déplorer la perte de sa montre Mickey et à remarquer tous les pénis des statues florentines. Statues qui, je tiens à le préciser, n'ont absolument aucune pertinence dans l'intrigue, c'est juste que quand Langdon est poursuivi par des gens qui lui veulent du mal, il en profite pour faire du tourisme et éduquer sa charmante équipière. Attention, c'est parti pour les spoilers. Passons à la charmante équipière, justement. Le personnage de Sienna, ou comme je l'appelais "Robert Langdon Girl #4", a le même problème que Vittoria, Sophie et Machine-dont-je-ne-me-rappelle-même-pas-le-prénom avant elle, à savoir qu'elle a zéro personnalité. Elle est faite sur le même moule: belle naturellement, intelligente mais pas aussi cultivée que Langdon, pleine de ressource et elle en pince pour Langdon dès la page 75. Aucune surprise. En tout cas, pendant les deux premiers tiers du roman. Ensuite, elle est devenue une nouveauté dans le schéma "brownien". Je n'ai pas souvenir que le personnage principal féminin de ses romans ait jamais trahi son équipier de cette manière. En revanche, son histoire fait franchement pitié. Trop intelligente pour avoir des amis, elle a failli se faire violer pendant une mission humanitaire, a paniqué dans une foule et donc elle a rejoint un illuminé qui envisage de décimer la moitié de la population. Raide, comme évolution. J'ai tiqué quand son psychiatre lui a dit d'arrêter de penser à elle pour guérir sa dépression parce que je rappelle que la dépression est une MALADIE, nom d'un chien, et qu'on n'en guérit pas en allant prendre l'air ou en entendant qu'il y a plus malheureux dans le monde. C'était mal fait, on avait vraiment l'impression que ça avait été fait à la va vite pour justifier le plot twist, mais ça avait le mérite de proposer quelque chose de nouveau. Dommage qu'il y ait eu un deuxième rebondissement à la fin pour dire qu'en fait, c'était quand même une gentille. Pendant un moment, j'ai vraiment cru que Brown avait innové. Environ 150 pages avant la fin, PAF! Retournement de situation: les gentils sont des méchants et les méchants sont des gentils. Franchement, en voyant l'assassin professionnel se faire renier dès l'entrée en scène de Brüder et de ses hommes, j'ai pensé tout de suite que c'était EUX, les gens envoyés par le Consulat pour récupérer Langdon. D'où près de 400 pages à me demander quand Langdon allait enfin se faire attraper pour qu'il arrête de fuir ses alliés. Bon, finalement, ils bossaient en fait pour l'ECDC et pas pour le Consulat, mais j'avais quand même raison pour leurs intentions. Malheureusement, ça a cassé le suspense et rendu la longue, très longue, course-poursuite dans Florence et Venise plutôt ennuyeuse. Résultat: je n'ai ressenti aucune urgence parce que je me doutais que Brüder ne voulait aucun mal à Langdon. Pour un thriller, c'est vraiment dommage. En revanche, et ça, c'est très cool, j'ai gobé tout le reste. Sienna, FS-2080, Vayentha, la balle dans la tête, you name it. Que Sienna soit une traitresse, OK. L'idée du chapitre où FS-2080 se remémorait sa rencontre avec Zobrist dans le train sans laisser paraitre aucun indice sur le genre du narrateur, c'était une bonne idée, même si le passage à la première personne dans un roman entièrement à la troisième, peu importe le point de vue, m'a laissée perplexe sur le coup. C'était nécessaire pour garder la surprise mais ça jurait avec le reste. Une lettre ou un passage de journal intime aurait peut-être été plus cohérent, histoire que le changement de personne soit justifié, mais j'ai sincèrement cru que Ferris était l'amant de Zobrist (d'ailleurs je suis un peu déçue que ce n'ait pas été le cas, au final) et ça, c'était bien joué. Par contre, le coup de la mise en scène depuis le début, c'est ridicule tellement c'est compliqué. Je suis persuadée que Mr Brown est très fier de son coup, vu qu'il a tout fait pour nous laisser croire ce qu'il voulait qu'on croie, mais il n'y a vraiment pas de quoi parce qu'un rebondissement de cette ampleur, en plus de n'être absolument pas crédible, nécessite beaucoup d'explications et vous savez ce que ça occasionne? Vous avez deviné, une grosse coupure dans le récit et dans le suspense. Oh joie... Langdon passe donc près de 400 pages à fuir les gentils. Admettons que tout le monde n'ait pas comme moi compris autrement que Mr Brown le voulait en pensant que Brüder bossait en fait pour le consulat et devait protéger Langdon, j'ai tout de même l'impression qu'il a cherché à remplir des pages. Pendant ces 400 pages, on passe quand même par une interminable suite d'énigmes et les trop nombreuses coupures documentaires qui viennent avec. C'est trop long. Il y avait des moments où j'en avais marre et je me demandais quand est-ce qu'on allait finalement trouver ce foutu sac dans l'eau parce que j'avais l'impression qu'on tournait en rond. En faisant des coupes dans la masse d'informations sans pertinence particulière et en évitant quelques rebondissements qui me semblent peu utiles, comme le vol du masque mortuaire, je pense qu'on aurait pu obtenir un rythme bien plus fluide et plus haletant. Bonus: ça aurait peut-être rendu la révélation de qui est gentil et qui est méchant moins inappropriée, parce qu'envoyer ses lecteurs sur une fausse piste pendant QUATRE CENTS PAGES, c'est un peu se moquer du monde, en plus de revenir au problème de structure que j'ai déjà mentionné. Le danger de la surpopulation était un sujet casse-gueule. Outre le fait que c'est effectivement beaucoup plus complexe que "bouhou, on est trop d'humains sur Terre", c'est traité d'une manière beaucoup trop manichéenne pour amener une véritable réflexion. Le lecteur n'a tout simplement pas assez de données pour y réfléchir réellement. C'est impossible dans un roman, encore moins dans un roman de vacances. La solution? Détruire la moitié de l'Humanité. OK. Subtil, vraiment. On ne sait plus quoi faire? Va pour le massacre de masse. Parce que quand on est à court d'idées, refiler la peste à quatre milliards de personnes, c'est radical. D'ailleurs, la fin. Mon Dieu la fin. NON. Dans les cinquante dernières pages, on s'enfonce dans le grotesque. On se rend compte que le virus est lâché depuis une semaine, donc qu'on a passé 500 pages à courir pour que dalle. Déjà. Ensuite, Sienna vient chouiner sur ses regrets avec Langdon qui compatit et tout le toutim, donc en fait c'est quand même une chic fille. Encore un truc qui tombe à l'eau. Puis on a encore une tentative ridicule de plot twist avec le Président, qui est arrêté, mais en fait non, mais en fait si. De quoi filer le tournis. Attendez, c'est pas fini. Le virus n'est finalement pas une peste, il change notre ADN pour rendre un tiers de la population stérile. C'est certes plus "humain" qu'un massacre de masse, quoique ce point soit débattable, mais j'ai du mal à voir l'intérêt parce que si le point de rupture est aussi imminent qu'on nous le dit dans le roman, d'ici à ce que la population diminue suffisamment, on aura déjà dépassé le stade où ça servira à quelque chose. Cerise sur le gâteau: Sinskey trouve que finalement, c'est pas une si mauvaise idée que ça. Alors que sa propre stérilité causée par un médicament a gâché sa vie, elle se fait remarquablement bien à l'idée d'imposer la même souffrance à un tiers de la population à chaque génération. Normal. Et on termine en disant que Zobrist est vraiment un méchant et c'est pas bien, ce qu'il a fait, hein, mais en fait ça nous arrange bien parce qu'on n'a plus à chercher une solution. Comme c'est pratique. Pour résumer, Inferno avait beaucoup de potentiel, mais je trouve que Dan Brown est passé complètement à côté. On nous promet un thriller avec une course haletante et une épidémie censée ravager la planète, et on se retrouve avec le seul véritable méchant qui est mort dès le prologue et un héros qui a cavalé sur plus de 500 pages pour apprendre que c'était déjà foutu et de toute façon, bof, c'est mieux comme ça après tout. Tu parles d'un "Inferno"... PS: Petit détail de mode qui me chiffonne: à la page 258, Sienna "descendit ses chaussettes" alors qu'elle porte des ballerines depuis la page 61. Soit j'ai raté le moment où elle a changé de chaussures, soit elle porte des chaussettes avec ses ballerines. Et j'ai trouvé une coquille à la page 333, "Il s'était" au lieu de "Ils étaient". Adaptation Le film sortira le 9 Novembre en France. Tom Hanks reprend le rôle de Robert Langdon, Felicity Jones, Ben Foster, Irrfan Khan et Omar Sy font aussi partie de la distribution. J'étais tentée d'aller le voir, ne serait-ce que pour les œuvres d'art mentionnées dans le roman, mais je ne suis plus aussi enthousiaste à l'idée de payer 10€ pour ça si je dois sortir de la salle en pestant contre la fin. J'attendrai peut-être que la médiathèque l'achète en DVD. Ma note Inferno est écrit comme un mélange de film et de guide touristique. Les personnages ne sont pas particulièrement sympathiques et l'écriture est loin d'être géniale, mais l'enjeu est intéressant et le livre pourrait être très divertissant avec moins de cours magistral. Et puis, on arrive aux cinquante dernières pages qui gâchent tout. Je vais donner 2.5/10 pour l'effort et suggérer vivement à Mr Dan Brown de réfléchir à la fin de ses romans AVANT de partir dans tous les sens, histoire de ne pas se retrouver cinquante pages avant la fin avec une intrigue impossible à boucler correctement. Ce serait déjà un bon début. Le mois prochain J'ai choisi Anna, de Kendare Blake. L'histoire m'intéresse beaucoup et j'en ai entendu énormément de bien, donc j'espère qu'il rattrapera ma déception de ce mois-ci.
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