Publication prévue le 12 Juillet 2018. J'ai décidé, un peu sur un coup de tête, de redonner une chance à Riley Sager après Final Girls parce que je pensais qu'il y avait du potentiel, malgré pas mal de défauts. L'intrigue n'allait pas, selon moi, mais personne n'est à l'abri d'un gadin et j'étais suffisamment confiante pour refaire un essai. Merci beaucoup à Ebury Press et NetGalley de m'avoir fourni un ARC en échange d'une critique honnête. La provenance de cet exemplaire n'influence en rien mon opinion. Ben c'était effectivement beaucoup mieux. Je suis contente d'avoir persisté avec cet auteur, parce que beaucoup de ce que je n'avais pas aimé dans Final Girls a été corrigé dans Last Time I Lied et c'était vraiment agréable à lire, même s'il y a encore du boulot pour dépasser la moyenne haute. Attention: sachez que si vous cherchez un super thriller/slasher, vous êtes au mauvais endroit. Riley Sager n'écrit clairement pas les enquêtes du siècle et il n'est pas très branché sang qui gicle, ce qui m'avait beaucoup déçue dans Final Girls, justement. Par contre, pour un thriller psychologique sympa avec un narrateur non fiable, là, vous devriez vous y retrouver avec Last Time I Lied. Sur le principe, on prend les mêmes et on recommence. Last Time I Lied partage pas mal d'éléments de base avec son prédécesseur: la seule survivante d'une expédition dans les bois qui a refait sa vie en se consacrant à une activité artistique, traumatisée par les évènements mais qui en sait plus qu'elle ne veut bien l'admettre et sera soupçonnée pendant le roman, se voit replongée dans l'intrigue des années plus tard à cause d'un évènement inattendu. La première réflexion que je me suis faite dans le chapitre 1 était que, peut-être, Emma n'était pas la seule à avoir l'impression d'être l'artiste d'un unique succès. L'auteur semble savoir de quoi il parle et ça sent le vécu. Tout le côté psychologie de l'artiste est remarquable, même si c'est court, et je pense sincèrement que Riley Sager n'a pas hésité à taper dans ses propres sentiments pour écrire ce passage. C'est d'autant plus évident à mes yeux quand on compare Final Girls et Last Time I Lied aux deux séries de peintures d'Emma, parce que dans les deux cas, la salle est différente mais le spectacle est le même, si on me passe la métaphore. En attendant, ça servait parfaitement l'histoire: Emma est coincée dans son art comme dans sa vie parce qu'elle n'arrive pas à tourner la page, et la manière dont c'est décrit rend son retour au Camp Nightingale pas juste logique, mais carrément évident. Pour l'intrigue elle-même, d'un côté, j'ai envie de retirer des points pour le principe de base à la limite de l'auto-plagiat, de l'autre, des défauts qui m'avaient pas mal dérangée dans Final Girls, ont été corrigés, et ça mérite d'être mentionné. On dirait presque que Final Girls était le brouillon du même livre et que Last Time I Lied est une version révisée. Il y a une nette amélioration dans Last Time I Lied. L'intrigue est moins tarabiscotée, on arrive plus facilement à suivre, et même si la résolution ne se fait pas aussi naturellement que je l'aurais voulu (j'y reviendrai en spoilers), c'était beaucoup plus intéressant à suivre. Les indices étaient distillés dès le début et l'atmosphère du Camp Nightingale est menaçante et un peu lugubre, c'est parfait. Sans avoir l'impression qu'un tueur rôde, on sent une présence inquiétante dès l'arrivée d'Emma au camp et ça ne fait que s'accentuer tandis qu'on avance dans l'enquête parce que des éléments précis, comme la douche, les corbeaux et la présence à la fenêtre amènent une véritable tension. Alors que Final Girls donnait l'impression de piétiner sans réel danger pendant une bonne partie du roman, Last Time I Lied a une progression plus régulière qui fait qu'on ne reste pas là à attendre que quelque chose se passe, d'autant que je me trompe peut-être mais j'ai l'impression qu'on a plus d'interactions entre les personnages dans Last Time I Lied. Spoilers! Par contre, on perd énormément de temps avec des "tu sais de quoi je parle", dans les dialogues. C'est très pénible, parce que c'est évident que le but est de laisser le lecteur dans le flou, et j'ai toujours envie de balancer le livre en disant que si vous voulez pas me raconter, ben me racontez pas, mais arrêtez avec ces scènes pourries. Sans blague, c'est passif-agressif comme pas permis, et dans un roman, c'est juste frustrant. Par exemple, Theo a fait quelque chose de grave, qui a ébranlé la confiance qu'Emma avait en lui, donc elle lui en veut, et on est sensés lui en vouloir aussi. Sauf qu'on sait pas pourquoi, nous, on ne l'apprend que bien plus tard. J'ai horreur d'être tenue à l'écart de ce que sait le narrateur, en particulier quand on est en point de vue interne. Par définition, tout ce que le lecteur sait passe par le prisme de sa perception. Si Emma fait de la rétention d'informations, je ne peux pas comprendre ce qu'il se passe ni ressentir ce que je devrais ressentir et ça me gêne dans ma propre enquête. La scène où Emma est observée dans la douche m'a juste fait hurler de rire. Reprenons les éléments ensemble. Emma se souvient de la fissure dans le mur parce qu'elle voit la lumière du jour que cette fissure laisse entrer dans la cabine. Elle décide de quand même prendre sa douche là parce qu'elle pense que personne d'autre ne connait cette fissure de toute façon. Et bien sûr, la lumière disparait, lui signalant qu'on l'observe. Alors. Déjà, peu importe que la fissure soit minuscule. D'autres personnes auront forcément, comme Emma, remarqué la lumière sur le mur et cherché à savoir d'où elle venait, et donc trouvé cette fissure. Penser qu'elle seule la connaissait était naïf au mieux. En plus de ça, elle ne pense même pas à boucher le trou. Elle n'a pas envie d'attendre une autre cabine? OK. Mais elle est dans une salle de bains. Y a pas de mouchoirs? De serviettes à mains? N'importe quoi qu'elle aurait pu enfoncer dans la fissure pour avoir l'esprit tranquille? Et là, au lieu de remarquer qu'on l'observe à cause de la lumière qui disparait, elle aurait pu remarquer que les mouchoirs étaient tombés de la fissure, sans que la lumière n'ait recommencé à filtrer, et faire 2 + 2. Mais non, elle se douche tranquillou et, ô surprise, quelqu'un l'observe. Sans blague... En revanche, Emma est un très bon narrateur non fiable. Si on oublie la scène de la douche, les autres scènes où elle est surveillée ou visée par des actes malveillants ont une explication logique, et le fait qu'il n'y ait pas de preuve, juste l'instinct d'Emma (et le nôtre) qui lui hurle qu'elle a raison et qu'on lui veut du mal, rend crédible l'idée que ça pourrait être de la paranoïa de sa part, d'autant plus qu'elle hallucine déjà Vivian, pourquoi elle ne pourrait pas avoir aussi halluciné les corbeaux ou la présence à la fenêtre? Tout cet aspect du roman est excellent, en particulier avec Vivian: par principe, on la croit. On suit le roman de son point de vue, on sait qu'elle la voit. Mais en même temps, on sait, et elle aussi, que c'est impossible. Donc on la suit dans cette zone de doute où on ignore si ce qu'elle a vu est réel ou pas, et on marche sur le fil du début à la fin. Pour moi, c'est le meilleur aspect du roman. Pour en revenir à l'intrigue, d'un coup, une fois aux deux tiers environ, la partie II commence avec un virage à 180°, tellement sec que j'ai bugué. Miranda, Krystal et Sacha ont disparu à leur tour. Whaaaaaaaaaaaaaaat?? Et tout s'accélère. Emma est bien sûr suspectée, et c'est là que l'enquête s'emballe, parce que d'un coup, il y a urgence et on soupçonne tout le monde, les uns après les autres. La transition est hyper brutale, c'était gonflé, d'autant que ça, je ne l'avais carrément pas vu venir. Plot twist hyper réussi, j'étais à fond, les gars. Et y avait carrément matière à jouer la carte PTSD avec Emma. Les suivants, par contre, n'étaient carrément pas à la hauteur, je trouve. - L'asile n'avait rien à se reprocher et Franny non plus. - Ce n'était pas Theo dans la douche, finalement, mais Ben. - La disparition récente n'est pas liée à celle d'il y a quinze ans. - Vivian, Nathalie et Allison n'ont pas été tuées mais se sont accidentellement noyées. - Vivian a en fait tué les deux autres avant de disparaitre. Déjà, il y en a trop. Honnêtement, le plot twist de l'homme dans la douche aurait pu sauter, parce qu'il n'apportait rien de plus qu'un suspect supplémentaire et la trahison de la meilleure amie qui couche avec le love interest du personnage principal il y a 15 ans (et si ça vous parait familier, oui, c'était aussi dans Final Girls). Celui de la noyade accidentelle aussi était superflu, à mon sens. Il n'était pas hyper crédible de toute façon, pourquoi les filles seraient sorties au beau milieu de la nuit pour se baigner à cet endroit? Tout secouer une fois, deux fois, dix fois, juste avant la fin, j'appelle ça le syndrome de Dan Brown. Du plot twist à peine crédible en veux-tu en voilà, juste pour le plaisir de pouvoir dire qu'on a surpris le lecteur et hop! Double surprise, tu t'y attendais pas, hein? Si je peux donner un conseil à nos amis les auteurs, friands de plot twists improbables: un lecteur appréciera beaucoup plus la surprise s'il a suivi la mauvaise piste de son propre chef. Si c'est vous qui l'y avez poussé, il a plutôt l'impression de s'être fait entuber et c'est pas une sensation agréable. Tant que je suis sur le sujet, privilégiez la qualité à la quantité. Un unique très bon plot twist aura beaucoup plus d'impact que plusieurs médiocres, même s'ils s'enchainent super vite pour la shock value. Surtout que plus ils sont nombreux, plus on risque de perdre en crédibilité, et si on perd la crédibilité, on agace aussi le lecteur qui finit par en avoir marre de se faire trainer de tous les côtés sauf là où il veut aller. J'ai pris des paris sur le coupable dès que j'ai eu assez de personnages pour tenter ma chance. Je pense que mon suspect le plus sérieux était Mindy, pas parce que la jugeais stupide et vénale comme ça a été suggéré, mais parce que je la trouvais arrogante et trop amicale pour être honnête, avec une attitude du style "tout doit être parfait, sinon...". Je n'aurais pas été surprise d'apprendre que c'était en fait la petite sœur d'une des disparues, ou un truc du style, et que la présence d'Emma, qui fouinait partout, mettait ses propres plans en danger. Du côté de Chet, je trouve ses motivations plutôt étranges. Je comprends l'idée de venger son frère, mais une meilleure façon d'obtenir réparation n'aurait pas été de prouver son innocence en enquêtant comme Emma l'a fait? Et c'était quoi, le plan? Il comptait tuer trois jeunes filles innocentes juste pour envoyer Emma en taule? Pourquoi ne pas plutôt l'accuser elle du meurtre de Vivian, Nathalie et Allison? Il connaissait l'endroit où l'asile était englouti, il n'y a jamais plongé? Il aurait trouvé les corps, et il aurait pu y mettre quelque chose qui aurait accusé Emma avant de faire en sorte que les corps soient découverts. Je sais pas, je trouve que ça ne fonctionne pas bien et qu'on voit bien que c'était une théorie de second choix parce que l'auteur ne voulait pas que l'explication la plus logique soit la bonne. Et même une fois qu'on a Chet, c'est pas fini: en fait Vivian a tué les deux autres avant de disparaitre. OK, mais je reste quand même avec des questions: puisqu'Emma n'a pas laissé Vivian revenir dans la cabine, elle n'a pas pu prendre son pull. Alors qui l'a laissé dans la forêt? Comment le mari de Franny a pu se noyer? C'était quoi, le "dirty little secret" de Franny? Si l'asile était finalement une bonne chose, pourquoi avoir caché son existence? C'est bien joli d'envoyer sur des fausses pistes, mais faut quand même que tout se recoupe à la fin et là, ce n'est pas le cas. Faire de Vivian la tueuse rendait le journal un peu traitre pour le lecteur, du coup je serais plutôt partie sur une des deux autres, personnellement. Bon, ça avait toujours plus de sens que les trois qui seraient sorties nager au beau milieu de la nuit et se seraient noyées accidentellement. Je termine avec la "romance" avec Theo. Bon, je peux pas dire qu'on ne la voit pas venir. Mais je l'ai trouvée vraiment bien, et c'est pas si souvent que ça m'arrive. Elle ne prend pas trop de place, elle n'est pas malsaine, et même si on n'a pas droit à une fin Disney, l'espoir est permis. Une fois que l'enquête est close, ils vont pouvoir se reconstruire et quand Theo reviendra d'Afrique, une fois qu'ils auront mis tout leur passé derrière eux, ils pourront peut-être renouer et avoir une relation plus poussée. Je pense que c'est le plus proche d'une fin heureuse qu'on était en droit d'espérer vu les traumatismes passés des personnages. Dans l'ensemble, j'ai apprécié ma lecture. L'enquête a encore pas mal de défauts mais le personnage d'Emma et l'atmosphère de Last Time I Lied m'ont beaucoup plu. Je lirai volontiers le prochain roman de Riley Sager. Ma note Il y a quelques raccourcis qu'on aurait pu éviter et le résultat de l'enquête est bancal, mais Emma est une excellente narratrice, la tension est présente et le rythme est plutôt maitrisé. 6.5/10 et je recommande de zapper Final Girls pour lire Last Time I Lied à la place.
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