Je ne sais même plus comment je suis tombée sur ce livre. Il était probablement dans les suggestions du site sur lequel je cherche mes prochaines lectures. Je me souviens avoir été intriguée par le titre, par contre, puis par l'histoire. Je l'ai sorti pour ce mois-ci parce que c'est un des romans que j'ai achetés le plus récemment. Eh bien il y a du bon et du beaucoup moins bon. Commençons par un point positif: le principe. La propriétaire d'un immeuble décide de le rendre interdit aux hommes et n'accepte que des locataires qui acceptent de se plier à cette règle, ce qui donne un immeuble habité par une demi-douzaine de femmes célibataires. Juliette mise à part, toutes ont refusé à avoir des hommes dans leur vie. Le principe est intéressant grâce à ce que ça aurait pu donner. C'est bien écrit. L'écriture est simple, sans fioritures, et le style est concis, ça me plait. L'inconvénient, c'est que c'est, en gros, tout ce qui m'a plu. Attention, spoilers. Premier GROS point noir: Juliette. Je l'ai détestée d'entrée parce qu'elle a plusieurs défauts majeurs à mes yeux. Déjà, elle insiste lourdement auprès des autres locataires pour les convaincre que la règle "interdit aux hommes" est stupide et qu'elles sont folles de renoncer aux hommes. Comprenez moi bien, elle a le droit de le penser, mais elle ne lâche jamais l'affaire même quand on lui dit que le sujet est clos. Vous savez, comme les gros lourds en soirée qui insistent pour vous payer un verre alors que vous avez déjà refusé plusieurs fois. C'est très pénible. En plus, c'est la règle de l'immeuble, point. Je suis navrée que Carla ne lui en ait pas parlé avant de partir, mais si ça ne lui convient pas, libre à elle de déménager. Personne ne la force à vivre là, après tout, et j'ai une sainte horreur des gens qui essayent sans arrêt d'imposer leur mode de vie aux autres parce qu'ils s'imaginent savoir mieux que les autres ce qui leur convient. Autre défaut, Juliette a un gros problème avec l'amour et se jette sur le chocolat pour compenser. Plus cliché, tu meurs. Toute sa vie, y compris son travail quand il est mentionné, tourne autour de l'amour et de sa recherche de l'homme idéal. Je ne sais pas si l'auteur a juste voulu en faire une éternelle optimiste désespérément romantique, mais Juliette me parait franchement pathétique avec son idée fixe de "pas d'homme = pas de bonheur". Je comprends très bien que le manque d'attention et d'amour dont elle a souffert dans son enfance ait exacerbé son besoin d'être aimée à un niveau presque pathologique, mais j'ai l'impression qu'un doudou lui aurait été plus utile qu'un homme. Le célibat lui est clairement insupportable et c'est souvent signe qu'on n'est pas prêt à assumer une véritable relation. Comme quoi, la règle d'or de l'immeuble, celle qu'elle dénigrait tant, aurait pu lui faire beaucoup de bien, surtout que ça nous aurait évité le cliché suivant. Les autres locataires ont finalement une histoire assez similaire. A part la Reine, qui se terre dans son immeuble pour qu'aucun homme ne voit son déclin, Giuseppina, Rosalie et Simone se sont réfugiées là parce qu'elles ont été blessées par des hommes. Des goujats, des lâches et des hommes abusifs. Ces femmes n'ont jamais rencontré un homme bien (ni une femme conn*sse, d'ailleurs, manichéisme bonjour). Finalement, Juliette a vu juste sur au moins une chose: "Parce qu'on vous a empoisonnées, vous faites la grève de la faim". C'est ça, et rien de plus. Et c'est très dommage. Elles ont toutes choisi le célibat "faute de mieux", pour ne plus avoir mal. Mais outre le fait que si on ne prend le risque de se faire mal, on ne sera jamais heureux non plus, ces femmes qui s'imaginent s'être affranchies des hommes se sont en fait volontairement emprisonnées pour les éviter. La féministe que je suis a beaucoup de mal à voir le côté libérateur de la chose. Autre souci avec ces personnages: si l'auteur a bien pensé à développer leur passé douloureux, leur avenir est des plus incertains et leur évolution à peine ébauchée dans la dernière lettre de la Reine. Là aussi, on aurait pu se focaliser sur leur guérison. Juliette, avec sa quête acharnée du bonheur, aurait pu les inspirer et les pousser à ne pas abandonner leur rêve. Giuseppina aurait pu entamer des démarches pour récupérer sa fille avec l'aide des autres locataires (et pourquoi pas tomber amoureuse de son avocat), Simone aurait pu s'expliquer avec son fils et repartir à l'aventure, Rosalie aurait pu avoir recours à l'adoption ou à la PMA et enfin avoir ses petits Flore, Benjamin et Ariel, qui sait? Et pourtant rien. Juste, à la fin, la Reine leur suggère de sortir rencontrer un homme. Outre le fait assez dérangeant que, quand Juliette le leur propose, c'est une idée ridicule dont elles ne voudront jamais, mais quand ça vient de la Reine, ça leur semble une super idée finalement, je suis assez déçue de voir que ces femmes passent de profondément meurtries par leurs expériences passées à pleines d'espoir en l'espace de quelques lignes. Le changement, c'est long et progressif. Il ne suffit pas d'un coup de baguette magique pour soudainement dépasser sa peur et sa douleur. La Reine m'a parue intéressante jusqu'à ce qu'elle fasse son petit laïus sur le fait qu'elle avait choisi les "mille étincelles" au lieu d'une relation longue durée. Parce que maintenant qu'elle est vieille et que ses douleurs l'empêchent de danser, ce qui était son principal atout de séduction à l'époque, elle reste seule avec ses bambous au dernier étage de son immeuble, comme une princesse prisonnière dans sa tour. Elle pourrait continuer à vivre, sans homme, juste pour elle-même, mais non, l'auteur a choisi de la présenter comme seule, malheureuse et amère. Le "je regrette d'avoir couché à droite à gauche et au centre au lieu de me trouver un gentil mari qui me tiendrait compagnie dans mes vieux jours" est à peine sous entendu et j'avoue que je ne suis pas très friande de ce genre de jugement moralisateur. Autre point important à mes yeux, dans la société actuelle, une femme qui choisit de ne pas chercher de petit ami est souvent la cible de rumeurs et théories diverses. Les plus répandues sont que cette femme est déviante, lesbienne, frigide ou vieille folle à chat. Ici, on a effectivement des personnages extérieurs à l'immeuble qui pensent ce genre de choses et j'aurais aimé, vraiment, qu'on leur montre qu'ils avaient tort. Mais si Juliette prend la défense des autres locataires quand son meilleur ami demande si elles ne seraient pas lesbiennes, le voisin qui désigne l'immeuble comme une secte, ne bénéficie pas du même traitement. C'est une des raisons qui font que cette fin m'a énormément déçue. On termine sur ce personnage désagréable et médisant qui célèbre le fait qu'un homme entre dans le fameux immeuble. Pourquoi? Qu'on finisse par laisser entrer le nouveau petit ami de Juliette parce que les locataires décident de ne plus avoir peur des hommes, à la limite, ça m'aurait déplu mais j'aurais pu comprendre. Mais pourquoi terminer sur cet odieux monsieur et sa réaction de triomphe? J'ai compris cette toute dernière phrase du roman comme une manière de dire "Vivre sans homme est contre nature. Elles étaient déviantes, mais elles ont fini par rentrer dans le rang". Tu parles d'un happy ending. Rien que ça, ça mériterait un zéro pointé. Je pense aussi que Juliette aurait dû rester quelques temps célibataire dans cet immeuble sans homme et consulter un psy. Je l'ai déjà dit, elle ne me parait absolument pas prête à s'engager dans une relation sérieuse et ce n'est pas en se jetant sur un nouveau petit ami qu'elle va aller mieux. J'aurais aimé qu'elle trouve son bonheur par elle-même avant de rencontrer quelqu'un et elle aurait pu profiter du célibat imposé par l'immeuble pour travailler sur elle-même et sur ses problèmes relationnels. Oui, parce qu'on peut aussi s'imposer un célibat le temps de déterminer nos espoirs et nos attentes dans la vie, pas forcément parce qu'un homme nous a fait du mal. Bref, Juliette aurait dû apprendre à ne plus faire reposer la responsabilité de son bonheur sur une autre personne qu'elle-même et son séjour dans l'immeuble aurait pu l'y aider. ENSUITE elle aurait pu rencontrer un homme bien et la fin façon conte de fées aurait été beaucoup plus crédible à mes yeux. En fait, pour elle comme pour les autres locataires de l'immeuble, la fin m'a vraiment fait l'effet d'être tombée complètement à côté. Rien n'est résolu, finalement. On aurait pu avoir une belle ode au féminisme, une réflexion sur l'amour en général (et pas uniquement romantique) et rappeler qu'on peut être heureuse même en étant célibataire. Mais au lieu de ça, on se retrouve avec des clichés et du sentimentalisme qui nous amènent à une fin convenue et sans grand intérêt. C'est vraiment dommage. Ma note Même réflexion que le mois dernier, c'est difficile de mettre une note quand on voit ce que le livre aurait pu être. 2/10. Parce que c'est agréable à lire et le principe de base était sympa, mais le manque d'évolution des personnages et la fin ne passent pas du tout. J'espère que Mme Lambert fera mieux avec son prochain roman. Le mois prochain Vous reprendrez bien un peu de SF? Non? Dommage pour vous, parce que j'ai choisi La Vénus anatomique, de Xavier Mauméjean.
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