Love Letters to the Dead est une découverte que j'ai faite au hasard d'un site de vente de livres en ligne, pendant que je parcourais leur catalogue à la recherche d'un livre intéressant. J'ignore complètement comment j'y suis arrivée, mais l'histoire m'a intriguée. J'ai donc décidé de garder un œil dessus tout en cherchant des critiques sur le net. Le fait de n'avoir vu que des éloges m'a donné envie, sa sortie en poche m'a donné l'occasion, un petit tour à ma librairie préférée et voilà. Je vais commencer par un coup de gueule, j'en suis désolée: je sais que c'est voulu, que le lecteur ne sache pas ce qui s'est passé exactement à la mort de May et pourquoi, et c'est un gros spoiler de le dire, mais je me retrouve face à un cas de conscience. Spoiler Vs Trigger Warning. J'ai beaucoup hésité, mais je pense qu'il est plus important de prévenir d'un TW que de protéger un spoiler, quitte à me faire maudire par certains lecteurs: il y a donc des occurrences de viol sur mineure. Je ne dirai pas qui, sur qui, pourquoi ou comment, histoire de limite le spoiler au minimum nécessaire, mais ceux que ça pourrait choquer feraient mieux de choisir un autre livre, même si ce n'est pas décrit crument. Ce problème réglé, passons à la critique elle-même. Laurel est une adolescente relativement normale, si ce n'est qu'elle vient de perdre sa grande sœur, qui entre en première année dans un lycée où elle ne connait personne. Malheureusement, je fais partie de ceux qui ne lui ont trouvé aucun intérêt d'entrée, ce qui pose évidemment problème dans un livre écrit à la première personne. D'autant que ça ne s'est pas arrangé au fur et à mesure que j'avançais dans le roman. Les autres personnages, qui auraient pu estomper mon ennui, n'ont finalement que peu voire pas d'intérêt dans l'intrigue principale et je trouve ça dommage parce que ça laisse énormément de place au monologue (pour ne pas dire "chouineries") de Laurel. Les parents, la tante, les copains, finalement, aucun n'est vraiment remarquable. Leurs intrigues parallèles sont trop légères comparées à l'intrigue principale et surtout, elles n'ont pas vraiment de rapport avec, ce qui fait qu'elles ne s'y imbriquent pas correctement. C'est dommage, parce que certaines avaient du potentiel. Je n'ai pas non plus accroché au style d'écriture, que j'ai trouvé très forcé, presque artificiel. Comme si on s'était focalisé sur la forme des mots plutôt que sur leur sens. Je n'ai pas vu de sincérité dans les lettres, pas de naturel, alors que si Laurel refuse de rendre son devoir, c'est justement qu'elle trouvait ses lettres trop personnelles. MAIS tout bascule environ cent pages avant la fin. Au niveau de l'écriture comme du personnage de Laurel. Ces cent dernières pages sont très belles, pleines de poésie et de justesse. Là, je suis touchée par l'écriture, là, Laurel m'inspire de la compassion. J'aurais adoré que le livre entier ait été écrit de la même manière parce que là, on a environ 200 ou 250 pages qui m'ont laissée de marbre et cent pages à tomber raide. C'est perturbant. Honnêtement, ça me donne l'impression que Mme Dellaira avait écrit un roman sublime et qu'on lui a demandé de le rallonger en délayant encore et encore le début jusqu'à ce qu'on atteigne un nombre de pages imposé. J'ignore si c'est ce qui s'est passé, mais ce dont je suis certaine, c'est que Love Letters to the Dead aurait pu devenir un de mes livres préférés si les deux premiers tiers du livre étaient du calibre du dernier. Ceci dit, si les ingrédients de base ne m'ont pas particulièrement plu, l'intrigue prend plutôt bien. Et attention, spoilers. Au début, Laurel est surtout déstabilisée par la mort de May. Elle a passé toute son enfance à vouloir ressembler à sa sœur et se retrouve soudainement perdue sans son modèle. C'est pour ça qu'elle commence à écouter la musique que May écoutait, à porter ses vêtements, ... Mais toujours en refusant de déranger sa chambre. Peut-être que c'était une manière de faire comme si elle était toujours là. Le fait qu'elle portait les vêtements de May le jour où elle s'est enfin fait des amies et la robe rouge le soir du bal insistent sur son complexe d'infériorité par rapport à sa sœur. Elle adopte ensuite son comportement autant que possible. Et finalement, en essayant de l'imiter, elle en arrive à la conclusion que sa sœur n'était ni parfaite ni heureuse, ce qui la pousse à se construire sa propre personnalité. Devenir "Laurel" et pas juste "la sœur de May". Laurel a un comportement très égocentrique au niveau de son deuil. Elle refuse d'en parler à ses amis, ses parents, sa prof d'anglais, mais surtout, elle ne les regarde même pas. À aucun moment elle n'a l'air d'envisager la possibilité que le deuil touche d'autres personnes qu'elle-même. Alors oui, elle a perdu sa sœur, je comprends qu'elle le vive très mal. Mais la mort de May n'a pas touché qu'elle. Ses parents ont perdu leur fille. Sa prof d'anglais aussi a traversé un deuil. Pourtant, Laurel les rejette, voire les méprise alors qu'elle a visiblement besoin de s'exprimer. Et c'est là que le choix des lettres à des célébrités mortes est significatif: elle veut parler de son deuil, mais elle ne veut pas qu'on lui réponde. Elle n'a pas envie qu'on la réconforte, elle n'est pas prête à entendre la peine des autres, donc elle choisit des destinataires qui lui garantissent une conversation à sens unique. Je pense d'ailleurs que c'est aussi ça, la véritable raison qui fait qu'elle n'a jamais rendu son devoir. Parce que sa prof d'anglais aurait probablement voulu lui en parler. Elle n'a pas décidé d'aller dans un autre lycée et coupé les ponts avec son amie de l'époque parce qu'elle ne voulait pas parler de May, elle l'a fait parce qu'elle ne voulait pas qu'on lui en parle. Et au fur et à mesure, Laurel finit par se trouver elle-même, puis s'ouvrir. Et elle commence à guérir parce qu'elle autorise enfin les autres à lui apporter leur soutien. Elle dit elle-même: "Il arrive de parler et de ne rencontrer que le silence. Ou de vagues échos. Comme un hurlement venu de l'intérieur. Alors on se sent seul, vraiment. Mais c'est faute d'écouter attentivement. Ou plutôt, faute d'être prêt à écouter." Et c'est exactement ce qui se passe pour Laurel. Elle n'est pas prête, mais elle le devient et tout le roman décrit ce processus. L'autre raison qui la pousse à écrire à des inconnus, à mon sens, est le fait qu'ils ne connaissent pas May. Ils n'auront donc aucun a priori négatif à son sujet. Laurel sait très bien que May est très différente de l'image que les autres avaient d'elle et elle voudrait qu'on la voit à travers ses yeux à elle. La fée. La grande sœur parfaite. Son idole. Pas juste l'adolescente qui s'est probablement suicidée. Parce qu'elle n'a jamais blâmé May pour ce qui lui était arrivé. Par contre, elle s'en veut énormément à elle-même. C'est ce qui m'a le plus frappée, dans les lettres de Laurel, ce sentiment de culpabilité qui transperce. C'est là que vont intervenir les ailes de fées. Je pense que les ailes ont deux fonctions. D'abord, elles sont une métaphore de l'innocence. Celle de Laurel d'abord, parce que les ailes de May se brisent quand elle regarde et voit que sa sœur ne vole pas, puis celle de May au moment de sa mort, qui tombe quand Laurel lui dit la vérité. A noter que dans les deux cas, Laurel est persuadée que la chute de May est due à quelque chose qu'elle a dit ou fait alors qu'on le lui avait interdit: regarder sa sœur voler dans un cas, parler de ses agressions dans l'autre. Mais les ailes nous montrent aussi à quel point Laurel idéalisait May. Elles se brisent une première fois quand elle se rend compte que sa sœur ne peut pas vraiment voler et n'est donc pas une fée. Elle est humaine, comme Laurel. Puis, elles se "brisent" encore, métaphoriquement cette fois, quand elle admet à voix haute que sa sœur n'a pas réussi à la protéger. May n'est pas seulement humaine par nature, elle fait aussi des erreurs. Et Laurel s'en veut de l'avouer parce qu'elle sait que May aurait préféré qu'elle ne le sache pas. Le traitement de l'homophobie est léger mais intéressant. C'est une des intrigues parallèles qui avaient du potentiel à mes yeux. Je ne vais pas m'attarder sur la romance homosexuelle elle-même, qui n'a rien de particulièrement extraordinaire, mais les réactions qu'elle engendre méritent d'être soulignées. Le comportement de Jason est malheureusement représentatif de nombreuses personnes, qui disent accepter l'homosexualité en théorie, mais la méprisent en pratique. "Chez les autres, OK, mais pas les gens que je connais". Autre réaction, celle des autres élèves du lycée avec leurs commentaires déplacés. Les "on se fait un plan à trois?" à un couple de lesbiennes, sans blague, messieurs, faut arrêter. Ce n'est pas seulement ridicule, c'est irrespectueux au possible. J'aime que Laurel ait soutenu son amie et lui ai offert une paire d'ailes. Je l'ai compris comme une manière de lui rendre un peu de son innocence, et de lui montrer que même si elle n'est pas hétérosexuelle, elle reste parfaite à ses yeux. Une main tendue et une marque d'acceptation de la part de Laurel. L'impuissance face au deuil d'autrui est aussi mentionnée. En la personne de la professeur d'anglais, surtout, quand elle parle de son fils à Laurel et que Laurel ignore totalement quoi répondre. "Les expériences humaines se heurtent souvent aux limites du langage." C'est une bonne chose que l'auteur la mette dans la situation dans laquelle les autres se retrouvent face à elle. C'est très dur pour une personne de devoir faire le deuil d'un proche, je le conçois, et personne n'aime être traité en victime, mais c'est aussi très difficile d'exprimer sa compassion sans qu'elle ne passe pour de la pitié. Laurel finit par le comprendre, d'abord grâce à la réaction de ses amis quand elle leur parle de May pour la première fois, puis grâce à cette discussion avec sa prof. Et rend enfin son devoir. La fin, même si elle était attendue, est satisfaisante. La dernière lettre, celle que Laurel décide finalement d'adresser à May, montre qu'elle a enfin pu accepter sa disparition. Par le fait qu'elle lui écrive à elle, déjà, mais aussi par le rêve qu'elle a fait où elle voyait enfin les ailes de May, par le fait de disperser ses cendres et de déranger sa chambre. Elle a surmonté son deuil et la laisse enfin partir. Adaptation Un film est apparemment en projet avec Catherine Hardwicke en tant que réalisatrice. Les gens semblent plutôt enthousiastes. Je le suis moins, vu ce que j'avais pensé de Twilight (oui, c'était elle), mais je serais curieuse de voir le film quand même. Le début du tournage est prévu pour 2016. Ma note Je vais être honnête, 100 pages avant la fin, je me voyais déjà mettre une note dégueulasse. Mais le dernier tiers sauve le livre, donc je vais quand même donner 5/10. Il y a de l'idée, du travail et le style n'est pas mauvais pour un premier roman, mais c'est très déséquilibré et les personnages auraient pu être mieux travaillés. Je ne comprends pas l'engouement dont il a fait l'objet sur la blogosphère. Je pense néanmoins qu'Ava Dellaira est une auteur(e? Je ne sais jamais) à suivre de près. Le mois prochain Mon livre du mois de Novembre, Demain est un autre jour, de Lori Nelson Spielman, me semble être un bon choix. On m'en a dit beaucoup de bien, donc j'ai envie d'en faire la critique.
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