The Female of the Species est apparu dans mes recommandations et le titre a attiré mon attention. J'ai oublié ce que je cherchais exactement quand je l'ai trouvé, mais il m'a intriguée, donc je l'ai gardé sous le coude et j'ai profité d'un -10% chez Book Depository pour le commander. Très franchement, dès les premières pages, je savais que je tenais un coup de cœur. Et ça n'a pas raté. Ce bouquin est une bombe qui m'a explosé en pleine figure. Je ne m'attendais pas à me manger une description aussi brutale de la culture du viol dans la tronche. La lecture du synopsis me laissait plutôt attendre une version YA de Dexter, d'une certaine manière, avec Alex et ses tendances meurtrières mises en avant. Je me suis bien plantée là-dessus, parce que si on aborde ce qui fait qu'Alex tue, c'est avant tout le fait qu'elle est une proie devenue prédatrice qui ressort le plus. Alex est une tueuse par "nécessité" (à prendre avec de très longues pincettes) parce qu'au lieu de s'attaquer à des proies, elle s'attaque à leurs prédateurs. Pour reprendre l'image du loup qu'elle aime utiliser, Alex est un loup qui chassent les autres loups et pas les moutons. Et même si on ne cautionne pas forcément sa méthode de le faire, il est difficile de la blâmer au vu de ce qui est arrivé à sa propre sœur et de qui sont ses victimes. Plus que le fait qu'elle tue, ce sont les raisons qui l'y pousse qui nous intéressent dans ce livre, et ces raisons sont franchement pertinentes, en particulier vu le contexte actuel. Je reviendrai sur ce point en spoilers parce que c'est un des thèmes principaux du roman. J'ADORE le message anti viol, anti slut-shaming de ce livre. Comme dans Moxie, on touche au féminisme et ça me plait. Parce qu'alors que Moxie était "mignon", girl power et tout et tout, The Female of the Species explore le côté vraiment sombre de la culture du viol. Ce n'est plus de la théorie, on est directement concerné, comme les filles lors de la présentation de l'officier de police Nolan. C'est une chose de dire "1 femme sur 5 se fera violer dans sa vie", c'en est une complètement différente de désigner cinq filles en demandant "laquelle d'entre vous ce sera?" et en précisant aux garçons dans la salle que ce sera probablement l'un d'entre eux qui le fera. J'ai trouvé cette scène particulièrement forte parce que c'est brutal, c'est réel. Cette scène m'a filé la chair de poule, et m'a complètement horrifiée quand un mec a répondu "pourvu que ce soit Branley". WTF, dude? Branley, justement, est celle qu'on a envie de détester au début pour avoir piqué le petit ami de Peekay. Bon, ses coucheries me dérangent un peu du fait que je trouve malhonnête de tromper son petit ami et que son comportement envers Jack s'apparente à du harcèlement sexuel, mais cette "blague" est très mal passée, et c'est malheureusement courant d'entendre ça. "Elle couche avec tout le monde, donc elle mérite de se faire violer". Comme si le viol était la punition des salopes. Ben non, c'est pas comme ça que ça marche. Et Branley passe de cliché de la cheerleader blonde, mesquine et aux mœurs légères à être humain victime de préjugés dégueulasses, même aux yeux de Peekay quand elle va la voir chez elle et la surprend en jogging, sans maquillage et avec les dessins de sa petite sœur sur le visage. Elle a une vie en-dehors de sa sexualité, elle est plus que ça, elle ne se résume pas à ça, même si elle-même semble en douter. C'est un être humain à part entière et c'est important de le rappeler. Alex enfonce le clou en insistant sur le fait que Branley n'a pas "volé" Adam à Peekay, c'est Adam qui est parti de lui-même et Branley n'est pas responsable du choix qu'il a fait. Et Alex a raison, bien sûr. Jack peut dire qu'il est incapable de résister à son pénis, on sait tous que ce n'est qu'une excuse bidon pour se dédouaner de ses propres écarts. Ce n'est JAMAIS la faute d'une femme si un mec ne sait pas dire "non". Le style fait mouche. C'est extrêmement bien écrit, ça sonne juste, et je regrette de ne pas avoir eu des post-its à portée de main pendant que je lisais parce que j'aurais aimé pouvoir noter des tas de citations. Je me contenterai de deux: - "It doesn't matter. What you were wearing. What you look like. Nothing. Watch the nature channel. Predators go for the easy prey." p.157. Arrêtons de demander aux victimes d'agressions ce qu'elles portaient quand c'était arrivé, voire pire, de sous-entendre qu'elles le cherchaient. Parce que ça n'a rien à voir. De la même manière que les lions affamés attaqueront plus facilement un zèbre maigre esseulé qu'un bien dodu au milieu d'un troupeau, les mensurations et le style vestimentaire d'une victime ne sont pas des critères de choix. Ce n'est qu'une question d'opportunité, parce que c'est une question de domination et de violence, pas d'attirance sexuelle. - "I live in a world where not being molested as a child is considered luck" p.239. Juste horrifiante de vérité. J'aurais pu en garder des tas d'autres, mais ces deux-là me paraissent vraiment parlantes (et j'ai réussi à retenir le numéro de page). Le titre The Female of the Species est une référence au poème de Kipling du même nom, dont le refrain dit "The female of the species is more deadly than the male". Le vers est noté sur le quatrième de couverture et il est aussi cité dans le livre. Je trouve ce choix très parlant dans un livre qui traite de féminisme et de comment les femmes réagissent en cas d'agression, d'autant qu'il rappelle les parallèles réguliers entre les personnages et les animaux. Alex qui compare des violeurs à des prédateurs, et Sarah à un mouton qui aurait flairé le loup en elle, Peekay qui compare Alex à un Irish Wolfhound et Branley à un Golden Retriever, ... Le refuge animal où Alex et Peekay sont bénévoles n'est pas juste là pour épaissir le livre ou servir de prétexte à leur recontre, il leur sert de point de comparaison concernant les comportements qu'elles identifient autour d'elles et c'est brillant. L'Homme est un animal, tout découle de ce postulat et le titre enfonce le clou. Peekay a les meilleurs parents du monde. Je suis vraiment contente de voir de plus en plus de parents présents dans les livres YA, surtout que ceux de Peekay déchirent. Dommage que les autres personnages n'aient pas sa chance. Attention, spoilers. Alex est un personnage auquel n'importe quelle personne s'étant un jour senti un peu exclus à l'école pourra s'identifier. Mais surtout, elle est très complexe. Le seul choix de ses victimes pose la question de savoir de quel côté elle est. Doit-on la blâmer de tuer ou la remercier de débarrasser le monde de personnes nuisibles? La question se pose d'autant plus que le livre se passe en Ohio, un état qui a toujours la peine de mort. Est-elle une meurtrière ou un bourreau? Du fait qu'elle tue des agresseurs contre qui la justice n'a pu rien faire, est-ce qu'on doit l'arrêter pour meurtre ou la remercier d'avoir protégé les prochaines victimes? Dans un état où la peine de mort est toujours appliquée, peut-on décemment critiquer une personne qui tue des criminels? L'auteure n'hésite pas à la mettre sur le même plan que ses victimes: elle utilise les mêmes méthodes, se décrit comme un loup parmi les moutons, échappe à la justice comme eux et pour les mêmes raisons, est une récidiviste, ... L'auteure insinue qu'elle est de la même trempe qu'eux, mais en même temps, le cadre de la justice, en particulier dans cet état, laisse penser qu'elle intervient quand la justice ne le peut pas (les victimes ne veulent/peuvent pas porter plainte), elle ne tue aucun innocent et elle n'est pas explicitement condamnée, même à la fin où elle meurt au lieu d'être dénoncée et arrêtée, encore une fois comme ses propres victimes. Ce sera au lecteur de prendre parti. Mindy McGinnis nous montre mais n'a pas la prétention de nous dire quoi penser. La question reste ouverte: Alex est-elle une héroïne ou une antagoniste? La réaction de Peekay à son agression m'a serré le cœur. En plus du discours de l'officier Nolan au début, on a une véritable représentation de ce que ressent une victime. "Si je porte plainte, ça va attirer des ennuis aux autres et on va me détester". C'est plus que triste, c'est carrément affligeant, parce qu'en plus, elle a sûrement raison. OK, pas mal de gens lui ont redonné le numéro de Nolan pour qu'elle déposé plainte, mais honnêtement, qui pensait qu'elle le ferait? La fin révèle d'ailleurs que beaucoup d'autres filles se sont retrouvées dans un cas similaire, avec les notes laissées sur la tombe d'Alex. C'est juste horrifiant. Alex est devenue un genre de martyre, morte en sauvant Branley, et avec ce qui est arrivé à sa sœur, ce n'est pas étonnant. Enfin, jusqu'à la fin, on a le message féministe, avec le mot dans les toilettes. "Peekay won't put out" "Maybe you don't deserve it". Peekay est l'inverse de Branley niveau vie sexuelle, pourtant elle est elle aussi traitée comme un morceau de viande. Comme les vêtements, l'activité sexuelle ou son absence n'a aucun rapport avec le fait de devenir victime de viol. Ray s'est d'ailleurs attaquée aux deux, à la fille du prêcheur vierge comme à la cheerleader sexuellement très active, sans faire de différence entre les deux. Parce qu'encore une fois, ce n'est pas un critère de sélection, il a saisi l'opportunité disponible à chaque fois, comme le prédateur qu'il est. J'ai tout bonnement été soufflée. Il y a des scènes particulièrement puissantes dans ce livre et je ne peux pas le recommander assez. Je suis vraiment heureuse d'être tombée dessus. Ma note 9/10. Ce bouquin est une tuerie (sans mauvais jeu de mots). Le mois prochain J'ai craqué sur le témoignage d'un jeune SDF qui a noué une profonde amitié avec un chat errant. Ce sera donc Un Chat des rues nommé Bob, de James Bowen.
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