long-overdue validation of the experiences of women of colour and an urgent call-to-arms in the need for true intersectionality. A must-read for anyone shocked by the statistic that fifty-two per cent of white women voted for Trump, this compelling and meticulously researched book explores how the division between the innocent white women and the racialised, sexualised woman of colour was created, and demonstrates exactly why these stereotypes are crucial to confront and deconstruct. Je me suis intéressée à White Tears, Brown Scars, parce que je crois au féminisme intersectionnel et que je pense qu'on ne peut pas être féministe si on n'inclut pas les problématiques spécifiques de groupes de femmes qui font face à d'autres marginalisations que leur seul genre (racisme, transphobie, validisme, ...). Même si les femmes blanches, dont je fais partie, sont marginalisées, nous avons quand même l'avantage que nous procure le fait d'être blanches et je trouve important de le reconnaitre et de s'éduquer sur le sujet. S'il y a un truc que je retiendrai de ce bouquin jusqu'à la fin de mes jours, c'est qu'on peut savoir qu'un problème existe sans avoir la moindre idée de son ampleur. Je crois que je sais enfin ce qu'a ressenti Alice quand elle a suivi un lapin dans ce qu'elle pensait être un petit terrier et est tombée dans un endroit beaucoup, beaucoup plus vaste que prévu. J'aurais évidemment dû m'en douter. Le fait que je n'ai jamais beaucoup remarqué le problème ne veut pas dire qu'il n'est pas énorme, juste que je n'y avais pas été vraiment confrontée auparavant. C'est THE raison pour laquelle, quand des personnes marginalisées parlent, on DOIT se taire et écouter. Vraiment écouter. Parce que ne pas être concerné directement ne nous empêche pas de participer activement au problème, sans même s'en rendre compte, mais on ne risque pas de s'en rendre compte si on n'écoute que sa propre perspective. Dans la première partie, Hamad commence par ancrer ses recherches dans l'Histoire et c'est absolument fascinant. J'ai été choquée du peu que je savais, alors même que la France a un lourd passé colonial et que des faits mentionnés dans le livre ont un lien direct avec la France. Je n'avais JAMAIS entendu parler de Sarah Baartman alors que ses restes n'ont été restitués qu'en 2002, plus de 180 ans après sa mort à Paris. Je veux bien admettre que je n'étais pas l'élève la plus attentive en cours d'Histoire (spéciale dédicace à cette fois où j'ai été brutalement réveillée en plein cours par la sonnerie de mon propre téléphone...), mais en huit ans combinés, au collège et au lycée, on n'arrivera pas à me faire gober que j'ai roupillé à ce point. Pas alors qu'on a dû étudier la WWII au moins quatre fois sur le cursus. J'ai de très vagues souvenirs de cours sur la colonisation de l'Algérie mais ce ne sont que ça, de vagues souvenirs. Et tout ce que je sais de la guerre du Viet-Nam, qui était une colonie française à l'époque, je le sais d'une amie (Cuc, si tu me lis, bisous <3 ) qui m'a raconté ce que ses parents, qui y vivaient, lui avaient raconté à elle. Mais je m'égare. Tout ça pour dire que cette partie sur le racisme est capitale, parce que c'est de là que vient le White Feminism. La vérité, c'est que même si les femmes blanches ont longtemps été opprimées elles aussi, ce féminisme exclut d'office les femmes racisées parce que leur statut de blanches les place plus près du sommet occupé par les hommes blancs, ce qui rend leur situation, et par extension, leur combat pour l'égalité, complètement différente. Aussi, plutôt que renverser complètement le système qui les opprime, elles préfèrent essayer de rejoindre les hommes au sommet: The white feminist battle is not one that aims to dismantle this hierarchy but merely seeks to ensure white women join white men at its helm by agitating only against those limitations imposed on their sex. Notez que je dis "elles", mais que j'en fais partie. Je rappelle que je suis moi-même blanche donc ces subtilités me concernent, j'en ai parfaitement conscience. Ce qui rend les choses encore plus moches, c'est qu'au final, ça arrange bien les hommes. Parce que le fait est que les femmes blanches ont un pouvoir, mais sur les personnes racisées. Remettre en question ce système, c'est accepter de renoncer à ce pouvoir, et personne n'aime être en bas de l'échelle. Du coup, les femmes blanches, en particulier les féministes blanches, refusent d'adresser leur propre racisme. Ce qui nous amène au sujet du livre: les "white tears". Ce phénomène joue sur le fait que les femmes blanches sont plus facilement vues comme étant innocentes et fragiles que les femmes racisées, qui ne le sont que très rarement, même enfants. Hamad cite la controverse du casting d'Amandla Stenberg en Rue dans Hunger Games, mais on pourrait citer la sexualisation des jeunes filles racisées, récemment dénoncée dans le film Mignonnes. Cette différence permet aux femmes blanches de jouer le rôle de la "demoiselle en détresse" même quand elles sont en position de force, se plaçant en victimes de l'agressivité supposée de personnes racisées qui les agresseraient et poussant les autres personnes impliquées à se détourner du propos pour consoler/rassurer les femmes blanches. C'est une technique imparable, qui sert à réduire au silence les personnes racisées qui essaieraient de les confronter au sujet de leur racisme. Comme écrit dans le livre: ... having a legitimate grievance is not match for the strategic tears of a white damsel in distress whose innocence is taken for granted Hamad détruit aussi le concept de la solidarité féminine en expliquant que cette solidarité ne s'applique que lorsqu'il s'agit d'aider des femmes blanches. Ce concept leur permet de profiter des avancées faites grâce au travail de femmes racisées, tout en les excluant de celles faites par des femmes blanches parce qu'elles continuent encore et toujours à refuser la discussion du racisme. Et si le sujet est abordé, elles accusent les femmes racisées de diviser la sororité, alors que ce sont bien les femmes blanches, par leur inaction, qui les écartent de leurs victoires. Un exemple relativement récent dont je me rappelle très bien parce qu'il s'agissait d'une de mes premières expositions au white feminism, c'est la sortie de route de Lou Douillon, en 2015, qui critiquait le féminisme de femmes racisées telles que Beyoncé et Nicki Minaj, en disant que sa mère "ne s'est pas battu pour le droit de porter un string". Cette interview a évidemment été vivement critiquée, et heureusement, et les articles de blog tel que celui-ci expliquent parfaitement en quoi sa position est problématique. Un autre exemple récent impliquait une femme républicaine, choquée par le clip WAP de Cardi B et Megan Thee Stallion, disant que le monde avait besoin de moins de femmes comme elles et de plus de femmes comme... Melania Trump, dont le passé d'escort et les photos érotiques sont pourtant bien connus. Cardi B n'a d'ailleurs pas hésité à riposter, voyez plutôt: Et paf, dans ta tronche, Deanna. Tu l'as pas volée, celle-là! On notera au passage qu'au moment de la rédaction de cet article, le compte de Deanna Lorraine a été suspendu par Twitter. Toujours est-il que cette femme blanche, comme beaucoup d'autres, préfère dénigrer une femme racisée parce qu'elle ne correspond pas à l'idéal féminin blanc imposé par le patriarcat plutôt que contester cet idéal, ne serait-ce que par solidarité avec une autre femme. Hamad aborde aussi la problématique du "white passing", c'est-à-dire que des personnes racisées peuvent, par leur couleur de peau plus ou moins claire, passer pour blanches. Il s'agit d'un inconvénient déguisé en avantage, parce que ça permet à ces personnes de bénéficier parfois du privilège blanc, mais tout en ayant une épée de Damoclès au-dessus de leur tête parce que ce privilège peut leur être retiré à tout moment. Pour rester "blanc", ces personnes ne doivent surtout pas faire de vagues. On constate donc encore une fois qu'il s'agit d'une manière de les réduire au silence, cette fois en utilisant la carotte au lieu du bâton. Je terminerai avec le "white saviourism", ce comportement qui a poussé les personnes blanches à coloniser d'autres pays dès le début. Une idée vite adoptée par les femmes blanches, qui représentaient et représentent toujours un idéal de maternité, qui leur donne un ascendant sur les mères racisées. Sous couvert de générosité et de "vouloir aider", ces personnes ont commis de véritables crimes contre l'humanité sous prétexte que c'était "pour leur bien". Je pense en particulier à l'enlèvement d'enfants à leurs parents pour mieux les assimiler dans la société, en les arrachant à leurs racines et leur culture, en disant que c'est mieux pour les enfants de ne pas grandir dans la pauvreté. Cette idée a aussi créé la honte de la pauvreté et le classisme moderne, d'ailleurs, comme si être pauvre rendait les gens indignes d'élever leurs propres enfants. Une pratique qui existe toujours, même si elle est de plus en plus décriée, comme ces dernières années aux USA avec les camps de migrants et les enfants retirés à leurs parents et proposés à l'adoption pour des familles américaines. Et tout ça se défendait avec un argument imparable: "c'est mieux pour l'enfant". Après tout, quel monstre refuse de faire ce qui est le mieux pour les enfants? C'est ce que Ruby Hamad appelle le Lovejoy Trap, en référence à Helen Lovejoy des Simpsons et à sa fameuse catchphrase: "Won't somebody think of the children?". Un autre exemple récent mais plus sournois concerne le film Mignonnes. L'une des critiques principales du film concernaient le fait que de jeunes actrices aient dû dansé de manière très provocante pour dénoncer la pratique réelle, ce qui a mené à une véritable levée de boucliers de la part de citoyens visiblement plus concernés par le bien-être d'une poignée de jeunes actrices toutes suivies psychologiquement sur le tournage du film, que par celui des millions de jeunes filles racisées dans le monde qui vivent cette situation au quotidien. Quiconque essayait de défendre le film était taxé de pédophilie, Netflix a été attaqué en justice pour la diffusion, quant aux parents des actrices et à la réalisatrice, ils ont reçu des menaces de mort. Parce que "c'est honteux de montrer de jeunes filles comme ça". Même alors que c'était précisément ce que dénonçait le film. Outre le fait qu'il s'agit encore de critiquer la manière de dire pour décrédibiliser les propos eux-mêmes, même s'ils sont parfaitement légitimes, ça pose les défenseurs des propos en question dans une position intenable, celle de ne pas considérer le bien-être des enfants, les innocents ultimes. Ce qui les rend monstrueux, et leurs propos avec par extension. Je terminerai avec une dernière citation du livre, qu'il me parait essentiel de partager: That some of us do "make it" is not a testament to the willingness of white society to accept us but to our own often exceptional ability to navigate a rigged system. This is why people of color, and especially women of color, have to be at least twice as capable as white people to get half as far. The system was designed to make it as hard as possible for us but in such a way that white people can pretend the barriers simply do not exist. Il y aurait encore beaucoup à dire sur le sujet, mais je ne pense pas le faire mieux que Ruby Hamad, donc je me contenterai de dire que c'est un livre important qui touche à beaucoup de sujets et que je recommande chaudement. Ma note 10/10, à mettre dans toutes les mains, bibliothèques, la totale. Je supplie, SUPPLIE un éditeur français de le traduire et j'espère que la France finira par affronter son passé colonial et les conséquences qui en découlent encore aujourd'hui. Sur une note plus personnelle Étant moi-même une femme blanche, malgré tous mes efforts pour bien faire, je ne peux pas garantir que je ne me retrouverai jamais dans ce genre de situation. Auquel cas, par ce petit mot, je vous encourage vivement à me rentrer dans le lard si ça arrive un jour. N'hésitez surtout pas à me remettre à ma place, et si j'essaye de me victimiser, ne me laissez pas faire. Vous méritez mieux qu'une alliée en carton.
1 Commentaire
Wittig
25/10/2023 11:46:24 am
Je pense en effet que le livre mérite une publicité .
Répondre
Laisser une réponse. |
Prochains articles:
White Smoke, de Tiffany D. Jackson.
Nos Jours Brûlés, de Laura Nsafou, en lecture commune avec:
Cadeau Muhayimana Moune La Booktillaise pour le Café Lithéraire Oddball, de Sarah Andersen.
Exemplaire numérique envoyé par Andrews McMeel Publishing (merci à eux!) Catégories
Tous
Archives
Décembre 2022
|