Un mémoire/manifeste Young Adult? Voilà de quoi piquer ma curiosité, surtout que ce livre a fait le tour de la communauté du livre US. Et comme je me suis promis de lire plus de non fiction, j'ai tenté ma chance auprès de l'éditeur britannique. Donc un grand merci à Penguin et NetGalley pour l'exemplaire numérique gratuit. Il y a cinq ans, j'ai lu If you feel too much et je n'ai jamais oublié cette phrase: "There is something about hearing or seeing or feeling something that is true." C'est ce que m'a évoqué All Boys aren't Blue. All Boys aren't Blue est décrit comme un mémoire/manifeste. J'insiste là-dessus parce que cet objectif se ressent dans tout le livre. George Johnson part d'anecdotes de sa vie personnelle pour expliquer en quoi elles ont façonné la personne qu'iel est devenu et c'est le regard qu'iel porte sur ces évènements à l'âge adulte qui leur donne la dimension didactique du manifeste. Cette double lecture, par George du Passé et George du Présent, c'est ce qui donne sa force au livre mais aussi sa pertinence. George a grandi, a appris, et transmet. All Boys aren't Blue, en racontant et en analysant son histoire, donne une représentation à ceux qui partagent ces expériences et leur montrent que d'autres modèles, notamment de masculinité, existent et sont valides. Ce n'est pas juste un livre important, c'est un livre précieux qui, j'en suis persuadée, répond à un besoin chez de nombreux jeunes noirs et queers. En revanche, je me dois de signaler quelques TW. On a du racisme et de l'homophobie (et les slurs qui vont avec), des agressions sexuelles, des agressions tout court, de l'inceste et des morts. Beaucoup de beauté mais aussi quelques tragédies. Johnson en mentionne dans une préface/prologue mais c'est important de le rappeler: soyez préparés au moment de la lecture. Plus que le racisme et l'homophobie de manière générale, George Johnson touche à des problématiques précises qui découlent de ces deux problèmes systémiques, problématiques auxquelles on ne pense pas forcément ou qu'on ne leur associe pas de premier abord. Je pense en particulier à l'homophobie présente aussi dans la communauté Noire qui, comme il l'explique très justement, découle en fait de l'obligation perçue de "respectabilité", imposée aux Noirs par le racisme des blancs. Ce racisme pousse les minorités en général à se montrer exemplaires parce que les personnes qui en font partie savent que le moindre faux pas peut leur faire tout perdre. Et comme l'homosexualité peut encore nuire à l'image de virilité parfaite de l'homme, encore plus s'il n'est pas blanc, ce biais négatif peut être assimilé par les personnes victimes de racisme et les pousser à dissimuler cette partie d'eux-mêmes et/ou ne pas vouloir être associés avec des gens qui pourraient "passer pour". C'est déjà difficile d'être un homme noir, alors être un homme noir ET queer? L'autre chose qui m'a frappée, c'est l'amour que Johnson porte aux membres de sa famille. La deuxième partie du livre présente son frère, ses parents, sa grand-mère et sa cousine Hope, et chacun de ces chapitres résonne comme une lettre d'amour. Comme s'iel leur rendait tout l'amour qu'ils lui avaient donné au cours de sa vie. Ces passages m'ont énormément émue, parce qu'iel voit sa famille avec leurs qualités et leurs défauts, mais comprend qu'ils ont fait de leur mieux et ne leur reproche rien. Juste magnifique. Et puis on arrive à l'université. Johnson raconte comment iel y a trouvé sa place, en particulier grâce à une fraternité, qui lui a donné l'occasion de rencontrer un cercle d'amis fidèles dont le soutien constant l'a aidé à sortir de sa coquille. Dans cette partie du livre, iel nous raconte aussi l'impact de son identité sur sa sexualité, en particulier le fait qu'iel a revécu son adolescence à l'université, parce qu'à l'âge où la plupart des adolescents expérimentent et deviennent sexuellement actifs, Johnson était en pleine période de doute et de questionnement. Ce n'est qu'une fois qu'iel a trouvé le soutien dont iel avait besoin grâce à ses frères qu'iel s'est senti suffisamment en confiance pour se lancer dans sa propre exploration. Et si je comprends l'hésitation qu'iel a ressenti en intégrant ces chapitres dans le livre, je suis très heureuse qu'iel l'ait fait parce que je pense que c'est un sentiment que beaucoup de jeunes homosexuel·le·s vont reconnaitre en le lisant. Le trope de "found family" est récurrent dans cette communauté, qui n'a pas toujours la chance de recevoir le soutien dont elle a besoin dans sa propre famille, et il est d'autant plus important qu'il est souvent nécessaire de parler à quelqu'un qui vit ou a vécu la même expérience que la nôtre. Ces chapitres servent donc à raconter où Johnson a trouvé ce soutien, mais aussi à offrir le sien à qui le lira en partageant sa propre expérience. On en revient à la dualité mémoire/manifeste du livre. J'ai conscience que cet article est court mais je ne sais sincèrement pas quoi dire de plus. C'est un livre sincère, bourré d'amour et de bienveillance. Je ne peux qu'applaudir la démarche et recommander chaudement le livre à tous. Ma note 10/10. C'est intime sans être impudique, puissant tout en restant délicat. Touchant. Un grand bravo, et surtout un grand merci de partager ce vécu.
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