Publication prévue le 03 Mai 2018. Merci à Pan Macmillan et NetGalley pour cet ARC! La provenance de ce livre n'influence en rien mon opinion du roman. Nom d'un chien. Le roman était extra, mais surtout, la fin m'a mis une grosse claque dans la figure. J'en profite pour glisser un Trigger Warning: Billie a été violée avant d'être tuée. Comme les quatre autres filles fantômes qui aident Thera. Sans être hyper graphique, c'est quand même explicite et il y a des scènes très dérangeantes. Si vous vous lancez dans Dead Girls, soyez conscients de ce contenu. Au moment de faire une demande pour ce titre, je n'étais pas bien certaine de savoir si c'était un thriller ou un roman paranormal. Je ne m'en suis pas formalisée parce que ce sont deux genres qui peuvent me plaire si le livre est bon, mais si ce n'est pas votre cas, je peux maintenant vous l'annoncer: c'est un mélange des deux. L'intrigue elle-même est un thriller, avec une enfant tuée, le personnage principal qui enquête et le tueur toujours dans la nature qui n'aime pas qu'on fouine, mais la présence des jeunes filles fantômes n'est pas juste suggérée, elles sont bien là et guident Thera pendant son enquête grâce à un ouija et à l'écriture automatique. Bien sûr, le fait que le roman est écrit du point de vue de Thera fait que le doute est permis, s'il s'avère que Thera n'est pas un narrateur aussi fiable qu'on le voudrait. Là, c'est à vous de choisir votre interprétation. Dead Girls suit donc Thera, une jeune fille de 11 ans, dont la meilleure amie est assassinée. Le roman a une voix un peu enfantine parfaitement appropriée vu l'âge du personnage, et ce qui est intéressant, c'est que ça permet pas mal de réflexions sur le victim-blaming et la violence envers les femmes, vu par un prisme innocent. Billie a été visée parce qu'elle était jolie. Qu'elle était seule dehors tard le soir. Il faut apprendre à se protéger des pervers. À se méfier des hommes. À tous les considérer comme des agresseurs potentiels parce qu'on ne peut pas savoir si un homme est un pervers ou non. La naïveté enfantine de Thera intègre ses concepts sans nuance et c'est triste parce que c'est ce qu'on nous apprend toujours, malgré le fait qu'on n'est plus dans les années 90. On nous dit toujours de ne pas sortir seule la nuit, de ne pas porter des vêtements trop courts ou trop moulants, de ne pas parler aux inconnus, de ne pas être "trop sympa" pour ne pas laisser entendre par erreur qu'on est intéressée et/ou disponible, ... La mère de Billie blâme Thera pour avoir envoyé Billie parler à un inconnu au lieu de blâmer l'inconnu d'avoir assassiné sa fille. Pourquoi chercher un autre coupable que l'agresseur? Mais Thera est intelligente et finit par comprendre: "Maybe it's not that girls are pretty and that's why people kill them. It's that girls are small and it's fun to kill small things". On revient à ce qui était dit dans The Female of the Species, les victimes sont choisies au hasard, parce qu'elles sont vulnérables. Blâmer le sex appeal d'une femme quand elle se fait agresser, c'est déjà moche, mais dans le cas d'une enfant, c'est carrément à vomir. C'est très lent. Si vous cherchez un roman palpitant, bourré d'actions et plein de suspense, vous n'êtes pas au bon endroit. Dead Girls est très atmosphérique, il faudra attendre quasiment la fin du premier quart pour que le corps de Billie soit trouvé et pour des raisons sur lesquelles je reviendrai, on n'a pas du tout accès à l'enquête, uniquement aux recherches de Thera, qui n'a bien sûr pas les méthodes de la police. L'écriture de Tarttelin est très prenante, les pages défilent sans qu'on s'en rende compte. La plume est sophistiquée, même à travers la voix d'une enfant. Aucun personnage n'est uniquement bon ou mauvais. Ils sont tous très complexes, avec une part d'ombre plus ou moins importante, de la petite Hattie, toute mignonne mais imbuvable avec Thera, au père de Thera qu'elle soupçonne parfois d'être violent. PERSONNE n'est tout blanc, pas même les enfants. L'ensemble des personnages proposés est varié et pertinent, je trouve. Les interactions m'ont beaucoup plu, notamment celles avec Nathan, même si elles étaient perturbantes, elles n'en étaient pas moins réalistes. Et Thera est un des gros points forts du roman. Spoilers! Un petit moment qui a fait mouche, pour moi, c'est quand Thera a parlé de son père qui pouvait être violent. Pas au point de frapper sa famille ni rien de se genre, mais parce qu'il a tapé du poing sur la table et jeté une lampe contre un mur. Elle se rappelle de sa mère qui a mis les enfants dans la voiture et a fui. Parce qu'elle avait peur. Et c'est une réaction très courante: quand un homme se met en colère et commence à crier et frapper des objets, la femme se bloque complètement de peur que ce qu'elle dise ou fasse ne dirige cette colère et cette violence contre elle. Des tas de mecs ne comprennent pas pourquoi leur petite amie se renferme quand ils commencent à crier. Voilà la réponse, les gars. On a peur que vous nous tapiez dessus. Même si on vous connait depuis 20 ou 30 ans et qu'intellectuellement, on sait que vous ne feriez pas de mal à une mouche, c'est instinctif, on se fige au son d'une voix masculine en colère, peu importe laquelle. On ne bouge plus, on ne parle plus, en fait, on essaye de ne pas attirer votre attention pour éviter d'en manger une. Et on ne fera plus rien tant que votre voix ne sera pas redescendue à un volume acceptable pour une conversation. Je recommande d'ailleurs à tout le monde de lire cet article, qui résume parfaitement le problème. Pour en revenir à Thera et son père, c'est terrible pour une enfant de 11 ans de devoir envisager que son père pourrait être un agresseur. Bon, c'est pas le cas. Mais de ce qu'elle sait, c'est une hypothèse aussi valable qu'une autre, et franchement terrifiante, parce que comme elle le pense, si n'importe quel homme pourrait devenir violent, on est entourées d'agresseurs potentiels. De quoi rendre n'importe quelle petite fille paranoïaque. Justement, à ce sujet: les parents. Une bonne partie des idées "folles" de Thera viennent du fait que les adultes refusent de lui parler de sujets sensibles, à l'exception de son grand-père, qui lui donne les informations qu'elle demande au nom de la curiosité intellectuelle. J'ai été assez perturbée par son insistance à vouloir que Nathan fasse semblant de la violer pour savoir ce que ça faisait. Mais pour Thera, c'est de la logique pure: si on ne peut pas lui expliquer, elle va faire ses recherches elle-même, et l'expérience est pour elle le meilleur moyen de comprendre. C'est terrifiant de lire qu'une jeune fille de 11 ans veut qu'un garçon plus âgé fasse semblant de la violer pour qu'elle puisse comprendre. Heureusement que Nathan est un gentil garçon (même s'il devrait avoir la présence d'esprit de dire non, parce que c'est une demande hyper morbide et elle a 11 ans). Les adultes veulent sans arrêt "protéger les enfants", on l'entend tout le temps au sujet de l'homosexualité, entre autres nombreux exemples, préserver leur innocence, mais ça a l'effet inverse. Parce qu'un enfant, c'est curieux, et il cherchera la réponse jusqu'à ce qu'il la trouve, donc si on ne la lui donne pas, dans un cadre sain, où va-t-il la trouver? Qui la lui donnera? Et de quelle manière? Aucun adulte ne veut répondre à Thera, mais comme elle veut comprendre, elle continue à chercher, quitte à se mettre en danger. En voulant la protéger, ses parents ne l'aident en rien, bien au contraire. Je pense que ça fait partie du message du roman: il faut arrêter de considérer les enfants comme des petits anges purs, ce sont des adultes en construction, et le devoir des parents est de s'assurer qu'ils se construisent correctement, pas de les empêcher de le faire. Les chapitres en italique offrent une perspective différente qui, je dois bien l'avouer, m'ont mise sur la piste un peu plus tôt que prévu. Mais c'est brillant. Finalement, le tueur est elle-même une victime. Le cycle continue et ne s'arrête jamais. Mrs Adamson est passée d'un bourreau à un autre, mais sa gratitude d'échapper au premier était telle que c'en est devenu une dépendance qu'elle devait protéger à tout prix, et elle a fini par elle-même devenir un monstre pour ne pas être séparée de son mari agesseur. C'est horrible, mais en même temps tellement triste. Le chapitre p.366 et 367 m'a soufflée. Je le mentionne parce que vraiment, il m'a serré la gorge. Et cette fin. MON DIEU CETTE FIN. Bien sûr, ce que Thera a fait, c'est atroce. Mais elle a raison sur un point: si elle était allée voir la police en accusant sa prof, qui l'aurait crue? Elle, une enfant de 11 ans, dont une partie des indices viennent de fantômes? Accusant une maitresse d'école qui semblait adorer Billie? Personne. J'ai mentionné The Female of the Species plus haut, et je vais devoir le refaire parce qu'on se retrouve avec un personnage principal tellement gris qu'on n'arrive pas à savoir si elle est le héros de l'histoire ou l'antagoniste. Mon genre préféré de personnage principal, d'autant plus que je ne l'avais vraiment pas vu venir. Pour le mot de la fin, je vais terminer sur une phrase des remerciements: "May we teach girls not to be obedient, digestible, and decorative, but to fight with teeth and minds and fists; to see themselves as potential victors, and not ineluctable victims." Bon, peut-être pas au point de Thera, mais quand même. Ma note 9/10 à l'aise. C'est puissant, dérangeant, mais en même temps profondément juste. Si vous appréciez les thrillers glauques avec des personnages complexes et qu'une progression lente ne vous rebute pas, Dead Girls est fait pour vous.
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