Mélange de suite et de spin-off de l'inoubliable Moi, Simon, 16 ans, Homo Sapiens que j'avais adoré, Leah à contretemps change de personnage principal pour raconter l'histoire de Leah, une terminale, amie de Simon, qui avait gagné l'affection des lecteurs dans le livre originel. Un grand merci à Hachette et à NetGalley pour m'avoir envoyé un exemplaire de ce roman. La provenance de mon exemplaire n'influence en rien mon opinion. J'étais très curieuse de ce roman, d'ailleurs javais déjà mentionné dans mon article sur Simon que je comptais garder l’œil dessus. Je partais donc déjà avec une bonne impression. En parlant de Simon, je préfère préciser que Leah étant une suite, en quelque sorte, je vais évoquer des éléments qui sont des spoilers mineurs pour Love, Simon (je vais garder le titre du film parce que j'ai la flemme de répéter sans arrêt celui du livre) dans mon article. Si vous ne l'avez pas lu, allez directement à ma note et ne lisez l'article entier que quand ce sera fait, ou que vous aurez au moins vu le film. FYI: pour ceux qui se demandaient pourquoi je ne choisis jamais de suite comme livre du mois, vous connaissez maintenant la raison: je ne veux pas vous spoiler le(s) tomes(s) précédent(s). Je vais devoir le dire et j'en suis la première surprise (et navrée): je ne suis pas contente. J'espérais retrouver le charme de Simon et adorer Leah, mais je pense que la manière dont Albertalli a géré sa vie amoureuse l'a mise dans des positions pas franchement glorieuses que je ne cautionne absolument pas. J'y reviendrai dans les spoilers, parce que l'identité du love interest de Leah est traitée comme une surprise et je ne voudrais pas la gâcher, mais ça, plus le fait que l'intrigue va dans tous les sens sauf tout droit, ça m'a achevée. Leah était, à mon sens, un personnage plutôt négligé dans Love, Simon, donc j'étais ravie qu'elle soit le personnage principal de cette suite/spin-off pour qu'on en apprenne plus sur elle. Petit récap' du personnage dans Love, Simon: elle était en colère parce qu'elle se sentait mise à l'écart par ses amis, elle se sentait menacée par l'arrivée d'Abby, qui à ses yeux, la remplaçait en tant que meilleure amie de Simon et petite amie potentielle de Nick, et à la toute fin, elle jouait de la batterie et Garrett avait le béguin pour elle. Voilà à peu près ce qu'on savait d'elle. Ben je préfère vous prévenir tout de suite qu'à part la batterie et Garrett, vous pouvez tout jeter parce qu'une fois les premiers chapitres passés, elle est complètement réécrite. Et pas en mieux. Il faut savoir que ce roman a été super hypé avant même sa sortie pour deux raisons: c'était une suite à Love, Simon, et le personnage principal est une adolescente ronde et bisexuelle, ce qui n'est pas encore très répandu. Mais si vous cherchez une exploration de ce que ça fait d'être grosse quand on est ado, cherchez ailleurs. Leah fait une remarque vite fait parce qu'une autre fille lui a demandé si elle faisait un régime (genre les gros qui mangent pas à un moment donné sont forcément au régime, ça peut pas être qu'ils ont juste pas faim, parce que les gros, ça a toujours faim, c'est bien connu) et galère la race de sa maman pour se trouver une robe pour le bal de promo (AMEN, chérie, je connais). En-dehors de ça, je n'ai pas souvenir de remarques particulières sur son poids et son estime d'elle-même n'est pas liée à son poids, ce que je salue. Et puis bon, tant que Leah n'est pas là à désespérer de se trouver un jour jolie (ou un(e) partenaire) à cause de son poids, ça me va. Leah assume son corps, autant qu'une adolescente le peut, en tout cas, sans avoir besoin de l'approbation de qui que ce soit. Du côté bisexualité, on a aussi une ou deux réflexions suite à un comportement de Garrett, qui semble plutôt content de voir une fille flirter avec Leah. Leah souligne bien que si cette fille avait été un garçon, Garrett se serait plutôt montré jaloux. Je ne suis pas entièrement d'accord avec cette analyse, et j'y reviendrai dans les spoilers parce que même si je trouve ces réflexions très vraies, je pense que dans le contexte, elles n'étaient pas justifiées. Du coup, je suis un peu triste pour Garrett, en fait. Je l'aimais bien, au début, c'était un mec hyper sympa dans Love, Simon, et j'avais hâte de le retrouver, même si c'était pour se manger un râteau. Je trouve dommage qu'il se retrouve forcé dans le mauvais rôle, celui du mec lourdingue qui fantasme sur les filles bisexuelles parce qu'il s'imagine déjà dans un plan à trois. Il ne sait même pas qu'elles sont bi, comment il aurait pu savoir que c'était sérieux? Bref ça me fait mal au cœur qu'on essaye de le faire rentrer dans la case "Martin Addison", je trouve qu'il méritait mieux, et que le peu de soucis qu'il y a eu vis-à-vis de la bisexualité dans Leah à Contretemps étaient forcés ou venaient de Leah elle-même. Heureusement, tout le livre ne tourne pas entièrement autour des relations amoureuses. Leah vit avec sa mère, qui n'apparait pas très souvent et soutient entièrement la sexualité de sa fille, mais la relation de Leah avec le petit ami de sa mère me rappelle mes 16 ans, quand ma mère a rencontré l'homme avec qui elle est depuis douze ans, donc. Cette méfiance et cette froideur vis-à-vis d'un intrus qui s'immisce dans leur vie et qui pourrait faire du mal à sa mère, je connais. J'ai trouvé ces passages très réalistes et j'aurais aimé que ça prenne un peu plus de place que ça, parce que c'est un chemin long et difficile (demandez à mon beau-père) pour en arriver à accepter de faire confiance à un nouvel homme dans la vie de sa mère, et même si on a fait un grand pas en avant vers la fin du roman, on touchait à quelque chose de très juste et d'intéressant, avec ça. Peut-être que si on avait insisté un peu plus sur cette idée prometteuse, on aurait eu moins de drama inutile dans les relations amoureuses des personnages. Une autre petite partie que j'ai beaucoup aimé, c'est le dessin. J'ai adoré le fait que Leah dessine et poste ses dessins en secret sur son tumblr. On savait déjà qu'elle avait du talent avec la batterie, mais le dessin, c'est une passion qu'elle a décidé de garder pour elle, par manque de confiance ou par pudeur, peut-être les deux, et j'ai trouvé ça touchant. J'ai aimé tous les passages où Leah dessinait ou en parlait. On remarquera le petit clin d’œil à l'autre livre de Becky Albertalli, Mes Hauts, mes bas et mes coups de coeur en série, quand Abby mentionne sa cousine Cassie et sa petite amie Mina. Spoilers! J'avoue que j'ai mis un petit peu de temps avant de percuter qu'Abby serait le love interest de Leah. Je m'attendais à un nouveau personnage, pas à un qui était déjà présent, n'avait jamais donné d'indication comme quoi Leah l'intéressait de cette manière et que Leah semblait ne pas du tout apprécier. J'ai trouvé que ça sortait complètement de nulle part, sans parler du fait que ça mettait Leah dans une position plus que gênante vis-à-vis de Nick, donc je ne suis pas fan. J'ai lu des critiques qui disaient que ça ressemblait à une mauvaise fanfiction de Love, Simon, et honnêtement, sur ce point précis, j'aurais du mal à contredire parce que cette romance n'est permise qu'en modifiant le canon de manière considérable, au-delà de ce que je suis capable d'accepter. D'un coup, Leah ne déteste plus Abby parce qu'elle avait le béguin pour Nick, mais parce qu'elles étaient amies avant (première nouvelle...) et que son béguin était en fait dirigé vers Abby (alors que rien ne l'avait laissé paraitre avant). Abby n'est en fait pas folle dingue de Nick (???) et elle non plus, comme Leah, n'a pas avoué à Simon qu'elle était bisexuelle alors que son coming out à lui était l'occasion parfaite de lui montrer son soutien en lui signifiant qu'elle pouvait comprendre parce qu'elle non plus n'était pas hétéro. Leah, OK, mais Abby? Et ne me dites pas qu'elle s'en rend compte seulement maintenant, vu qu'il est clairement dit que c'était ça, le secret qu'Abby voulait dire à Leah AVANT de se mettre avec Nick, quand elles étaient encore les meilleures amies du monde, donc avant les évènements de Love, Simon. Mais bon, admettons. Si on met de côté la retcon à peine dissimulée, on se retrouve tout de même avec une relation problématique. Le comportement de Leah envers Abby n'est pas acceptable. Deux exemples précis me viennent: quand Abby parle de leur virée à Athens et que Leah lui reproche de "l'allumer", c'est le premier. Parce qu'à ce moment-là, Abby est à mille kilomètres de soupçonner que Leah n'est pas hétéro, donc il y a peu de chances que son flirt ait été plus que de l'humour. Je pense d'ailleurs que c'est pour ça que Garrett n'a pas réagi, parce que contrairement à ce que pense Leah, effectivement, une fille qui drague sa copine, ça ne compte pas si sa copine est hétéro (en l'occurrence elle ne l'est pas, mais Garrett ne le sait pas) pour la simple et bonne raison qu'il sait déjà que ça ne débouchera sur rien de sérieux. Pas de raison d'être jaloux, donc. Mais Leah prend la mouche, se lève de table et s'enfuit, en maudissant Abby pour l'avoir allumée, alors qu'Abby n'avait aucune idée que Leah pourrait le prendre de cette manière, et Garrett pour ne pas avoir exprimé la moindre jalousie, alors que vu ce qu'il sait, il n'a aucune raison de se sentir menacé par Abby. Si Leah avait fait son coming out AVANT cette scène, là, sa réaction aurait été entièrement justifiée. Mais elle ne l'avait pas fait, donc pour moi, ça ne fonctionne pas. L'autre problème, c'est que quand Abby lui avoue qu'elle se trouve "un peu bi", Leah lui tombe dessus en disant que ça n'existe pas, soit on l'est, soit on l'est pas, mais on l'est pas "un peu", donc assume. D'où elle se permet de juger avec quelle étiquette les autres personnes sont à l'aise ou pas? D'autant que "bisexuel", c'est pas du 50-50. On peut très bien aimer les hommes ET les femmes, mais pas dans les mêmes proportions. "Un peu bi" pouvait très bien signifier "bi, mais 90-10 envers les mecs", pour Abby. Et c'est Leah, qui n'a TOUJOURS PAS fait son propre coming out à ses amis, qui se permet d'exiger qu'Abby "assume"? La blague. Son intransigeance envers les autres se remarque aussi avec la remarque raciste de sa copine: elle a dit un truc moche qu'elle pensait pas, sous le coup de la colère. Oui, c'était nul et elle devait s'excuser, Leah a eu raison de le lui faire remarquer. Mais même quand elle s'en rend compte et regrette ses paroles, Leah refuse de l'écouter. Ce cruel manque de tolérance envers les erreurs (et on ne peut même pas appeler ça une erreur dans le cas d'Abby) des autres ne m'a vraiment pas donné envie de tolérer les siennes. Autre chose qui me pose problème: Garrett. Il passe le livre à courtiser Leah, et clairement. Y a pas de possibilité de ne pas comprendre qu'il lui court après, Leah elle-même l'a remarqué. Elle le sait. Pourtant, son comportement envers lui est juste atroce. Franchement, le laisser espérer, lui poser des lapins et l'ignorer de manière générale, c'était juste moche. Je comprends qu'elle n'ait pas envie de faire son coming out ou autre, vraiment, mais elle n'était clairement pas intéressée depuis le début et ne le lui a jamais dit. Au lieu de quoi, elle accepte des rencards auxquels elle ne va pas, fait la morte quand il la contacte et accepte d'aller au bal avec lui en sachant très bien qu'il en pince pour elle. Un bal "entre potes"? Alors que tout leur groupe y va en couple, qu'il en pince pour elle et qu'elle ne lui a jamais, JAMAIS, dit qu'elle ne ressentait pas la même chose pour lui? Et le pire, c'est qu'à la fin, Leah et Abby se mettent ensemble au bal, toujours sans que Garrett ait la moindre idée de ce qui se passe et.... Épilogue. Je pensais que cette situation serait inconfortable un moment, le temps que Leah le repousse en douceur, mais non: de TOUT le livre, Garrett n'a même pas droit à un rejet clair. Non seulement il n'a pas le statut de love interest potentiel, mais en plus il n'est pas au courant. Je passe rapidement sur le traitement de Nick, bien sûr, qui vient de se faire larguer par celle dont il était fou amoureux, le vit super mal, et se retrouve au bal avec son ex qui se met avec sa meilleure amie, parce que, comme Garrett, on ne voit pas sa réaction de toute façon. Faut croire qu'aucun des deux ne sont suffisamment importants pour être mis au courant avant la totalité du lycée. Leah et Abby sont ensemble, clap de fin. Et tant pis pour ceux qui étaient indirectement impliqués. Honnêtement, je ne suis pas convaincue du tout. Leah a un comportement problématique, Garrett est honteusement sous-exploité et j'aurais préféré un autre love interest. Du drama, du drama, encore du drama, mais pas de réelle résolution à des problèmes importants, tout ça fait paraitre l'intrigue plutôt amateur à mes yeux, ce que je n'attendais vraiment pas de la part de l'auteur d'un de mes livres préférés de l'année dernière. Ma note Même si la plume d'Albertalli est toujours appréciable et je salue l'initiative d'une héroïne ronde et bisexuelle dans une relation amoureuse avec une femme bisexuelle de couleur, j'ai trouvé le love interest mal choisi, l'attirance à sens unique de Garrett très mal gérée, les quelques pistes intéressantes cruellement négligées et je n'ai pas retrouvé le charme qui m'avait fait tomber amoureuse de Love, Simon. 5/10, avec grand regret. ça n'entachera pas mon amour pour Love, Simon, ceci dit, que je continuerai à recommander à la Terre entière. Adaptation Si vous voulez voir Leah au cinéma sous les traits de Katherine Langford (13 Reasons Why), je vous rappelle que Love, Simon, sort en France ce mois-ci, juste au moment de la Fête du Cinéma si je ne me trompe pas. Vous n'avez donc aucune excuse pour ne pas aller voir ce petit bijou.
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